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des ossements, des peaux, il s’agit de séduire une femme afin de perpétuer l’espèce dont la voix crie dans ses veines, il s’agit d’effrayer les hommes de la tribu voisine qui veulent lui ravir sa compagne ou empiéter sur ses territoires de chasse. Créer, épancher son être, envahir la vie d’alentour, l’instinct reproducteur est le point de départ de toutes ses plus hautes conquêtes, de son besoin futur de communion morale et de sa volonté d’imaginer un instrument d’adaptation intellectuelle à la loi de son univers. Il a déjà l’arme, le silex éclaté, il lui faut l’ornement qui séduit ou épouvante, plumes d’oiseaux au chignon, colliers de griffes ou de dents, manches d’outils ciselés, tatouages, couleurs fraîches bariolant la peau.

L’art est né. L’un des hommes de la tribu est habile à tailler une forme dans un os, ou à peindre sur le torse ou le bras un oiseau aux ailes ouvertes, un mammouth, un lion, une fleur. En rentrant de la chasse, il ramasse un bout de bois pour lui donner l’apparence d’un animal, un morceau d’argile pour le pétrir en figurine, un os plat pour y graver une silhouette. Il jouit de voir vingt faces rudes et naïves penchées sur son travail. Il jouit de ce travail lui-même qui crée une entente obscure entre les autres et lui, entre lui-même et le monde infini des êtres et des plantes qu’il aime, parce qu’il est sa vie. Il obéit à quelque chose de plus positif aussi, le besoin d’arrêter quelques acquisitions de la première science humaine pour en faire profiter l’ensemble de la tribu. Le mot décrit mal aux vieillards, aux femmes assemblées, aux enfants surtout, la forme d’une bête rencontrée dans les bois, et qu’il faut craindre ou retrouver. Il en fixe l’allure et la forme en quelques traits sommaires. L’art est né.