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leviers. Là est le seul départ de l’abstraction miraculeuse, des formules les plus purifiées de toute trace d’expérience, du plus haut idéal. Et c’est là que nous devons chercher la mesure de notre humilité et de notre force à la fois.

L’arme, l’outil, le vase, et, dans les climats rudes, un grossier vêtement de peau, voilà les premières formes étrangères à sa propre substance que façonne le primitif environné de bêtes de proie, assailli sans relâche par les éléments hostiles d’une nature encore chaotique, voyant des forces ennemies dans le feu, l’orage, le moindre tressaillement du feuillage ou de l’eau, dans les saisons même, et le jour et la nuit, avant que les saisons et le jour et la nuit, avec le battement de ses artères et le bruit de ses pas, lui aient donné le sens du rythme. L’art est d’abord un outil d’utilité immédiate, comme les premiers balbutiements du verbe désigner les objets qui l’entourent, les imiter ou les modifier pour s’en servir, l’homme ne va pas au-delà. L’art ne peut être encore un instrument de généralisation philosophique qu’il ne saurait pas utiliser. Mais il forge cet instrument, puisqu’il dégage déjà de son milieu quelques lois rudimentaires qu’il applique à son profit.

Les hommes, les jeunes gens courent les bois. Leur arme est d’abord la branche noueuse arrachée au chêne ou à l’orme, la pierre ramassée sur le sol. Les femmes restent cachées dans la demeure, étape improvisée ou grotte, avec les vieux, avec les petits. Dès ses premiers pas titubants, l’homme est aux prises avec un idéal, la bête qui fuit et qui représente l’avenir immédiat de la tribu, le repas du soir, dévoré pour faire des muscles aux chasseurs, du lait aux mères. La femme, au contraire, n’a devant elle que la réalité présente et proche, le repas à préparer, l’enfant à nourrir, la peau à faire sécher, plus tard le feu à entretenir. C’est elle, sans doute, qui trouve le premier outil, le premier pot, c’est elle le premier ouvrier. C’est de son rôle réaliste et conservateur que sort l’industrie humaine. Peut-être aussi assemble-t-elle en colliers. des dents et des cailloux, pour attirer sur elle l’attention et plaire. Mais sa destinée positive ferme son horizon, et le premier véritable