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secrètes de notre rythme spirituel dans le son ou le mot, dans la couleur ou la forme, dans le geste ou dans le pas s’affirme de ce point de vue, bien au contraire, comme la plus universellement intéressée des fonctions profondes de l’esprit. Tous les jeux en eux-mêmes, d’ailleurs, même les plus puérils, sont une recherche de l’ordre dans le chaos des sensations et des sentiments confondus. L’homme mouvant croit s’adapter sans cesse au monde mouvant qui l’entoure, par la certitude fuyante qu’il a, dès qu’il s’imagine saisir l’ensemble d’un phénomène, de le décrire pour toujours dans l’ivresse de l’expression. Ainsi, ce qu’il y a de plus utile à l’homme, c’est le jeu.

L’amour du jeu, et sa recherche, et la curiosité ardente que son exercice conditionne, créent la civilisation. Les civilisations, devrais-je dire, ces oasis semées le long du temps ou dispersées dans l’espace, seules ici, s’interpénétrant là, fusionnant ailleurs, essayant dés ébauches successives d’une entente spirituelle unanime entre les hommes, entente possible, probable, mais destinée sans doute, si elle se réalise. à décliner, à mourir, à chercher en elle et autour d’elle des matériaux de renouvellement. Une civilisation, c’est un phénomène lyrique, et c’est par les monuments qu’elle élève et laisse après elle que nous en apprécions la qualité et la grandeur. Elle est d’autant mieux définie qu’elle s’impose à nous selon un style plus impressionnant, plus vivant, plus cohérent et plus durable. Ce que la presque unanimité des hommes entend par « civilisation » à l’heure actuelle, n’a rien à voir avec cela. L’outil industriel - chemin de fer, machine, électricité, télégraphe - n’est qu’un outil, un outil que des peuples envers peuvent employer pour des fins immédiates et matériellement intéressées sans que cet emploi ouvre en eux les sources profondes de l’attention, de l’émotion, de la passion de comprendre et du don d’exprimer qui mènent seules au grand style esthétique où communie un moment une race avec l’esprit universel. De ce point de vue, par exemple, l’Égypte d’il y a cinq mille ans, la Chine d’il y a