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On s’entoure d’une gangue dure, qui gêne les mouvements. N’est-ce pas tout juste le passage, dans toutes les évolutions esthétiques et morales du passé et du présent, de l’instinctive ingénuité première à la libre découverte d’une ingénuité seconde, passage dont la raideur de tous les archaïsmes est précisément la marque ? Si je ne me trompe pas, il me plairait assez que l’allure tendue des commencements de mon livre répondît quelque peu à la tension des premiers et des plus innocents parmi les constructeurs de temples, les peintres de tombeaux et les sculpteurs de dieux.

On m’a reproché de ne pas avoir écrit une Histoire de l’Art mais plutôt une sorte de poème à propos de l’histoire de l’art. Ce reproche m’a laissé rêveur. Je me suis demandé ce que pourrait être, en dehors d’une chronologie pure et simple, le récit d’événements intérieurs dont l’expression matérielle est constituée tout entière par des éléments affectifs. Au sens où les historiens entendent l’Histoire, des tableaux synoptiques suffisent. Il n’y a pas d’Histoire, hors celle que ces tableaux résument [1] , qui ne soit fatalement soumise à l’interprétation de l’historien. Ce qui est vrai pour l’histoire des actions de l’homme l’est infiniment plus pour celle de ses idées, de ses sensations et de ses désirs. Je ne conçois pas une Histoire de l’art qui ne soit constituée par une transposition poétique non pas aussi exacte, mais aussi vivante que possible, du poème plastique conçu par l’humanité. J’ai tenté cette transposition. Ce n’est pas à moi qu’il appartient de dire si je l’ai réussie.

L’Histoire, d’autre part, me paraît devoir être comprise symphoniquement. La description des gestes des hommes n’a aucun intérêt pour nous, aucune utilité, aucun sens même, si nous n’essayons pas d’en saisir les rapports profonds, de montrer leur enchaînement et surtout de leur restituer leur caractère dynamique, cette germination sans arrêt de forces naissantes qu’engendre le jeu ininterrompu des forces du

  1. Et encore !