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toutes les fonctions élevées de l’intelligence et de l’amour, et regarder les expressions de sa vie quotidienne, positive et matérialiste. Rome n’avait aucun autre besoin moral que de proclamer sa gloire extérieure, et tout monument y suffisait, pourvu qu’il fût décoré du nom de temple, d’arc de triomphe, de rostre ou de trophée. Mais elle avait de gros besoins de santé, de force physique, et plus tard, pour dépenser cette force et cette santé devenues lourdes à porter après la fin des guerres, de Y gros besoins de nourriture, de femmes, de jeux violents. De là d’abord les voies dallées, les ponts, les aqueducs, ensuite les théâtres, les thermes, les cirques : le sang, la viande après la marche et l’eau.

L’idéal romain, au long de l’histoire, a l’uniformité et la constance d’une règle administrative. A Rome, le vrai artiste c’est l’ingénieur, comme le vrai poète c’est l’historien et le vrai philosophe le juriste. Le Romain imposera à la famille, à la société, à la nature, la forme de sa volonté. Il réprimera N par la loi ses instincts de rapine, il acquerra la vigueur Y morale qu’il faut pour conquérir la terre en s’entretenant de lui-même, il échappera à son milieu ingrat en poussant des tentacules de pierre jusqu’aux extrémités du monde. Tout cela, son droit, ses annales, ses routes, il les bâtira dalle après dalle, moellon après moellon, comme, parti de Rome, il s’étendra sur les plaines, les monts, les mers, cercle après cercle.

L’orgueil de ce peuple, sa force sont dans les lieux qu’il habitait. Quelques collines basses au milieu des marais que fuient l’habitant des hauteurs sabines et le laboureur du Latium. Ni pain, ni eau, un cercle lointain de montagnes hostiles. Un refuge de parias, mais de parias violents, voraces, qui savent qu’il y a des terres grasses, des villes riches, des troupeaux derrière l’horizon. Coûte que coûte, il faut franchir le cercle maudit. La race puisera sa force aux sources des montagnes que des voies de pierre inflexibles répandront dans Rome par torrents. Des voies de pierre inflexibles dirigeront cette force à travers les marais desséchés, à travers les forêts ouvertes, les fleuves, les solitudes, les montagnes, vers la lumière