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et même peu de caractère, au sens descriptif du mot. Moins de pénétration que de souci d’exactitude. L’artiste ne ment pas, ni le modèle. Ce sont des documents d’histoire, des vrais Césars de Rome aux aventuriers d’Espagne ou d’Asie, des monstres divinisés aux empereurs stoïciens. Où est le type classique du « profil de médaille » dans ces têtes lourdes ou fines, carrées, pointues ou rondes, parfois rêveuses, souvent méchantes, toujours vraies, cabotins bouffis, idéalistes un peu niais, brutes tout à fait incurables, vieux centurions tannés, hétaïres couronnées qui ne sont même pas jolies ? Quelques-uns certes, à force d’attention, à force de vie concentrée, par leur densité et leur masse, par l’impitoyable poursuite d’un modelé profond que l’ossature du visage interrogé possède par hasard et révèle au statuaire, sont d’une puissante beauté. Dans la statue de la Grande Vestale, par exemple, la vérité immédiate atteint la vérité typique : alors Rome tout entière, sa domination sur elle-même, sa pesanteur sur l’univers, Rome apparaît en cette femme forte et grave, aussi solide que la citadelle, aussi sûre que le foyer, sans humanité, sans tendresse, sans défaillance, jusqu’au jour où lentement, profondément, irrésistiblement, elle aura creusé son sillon.

IV

Il faut tourner le dos aux temples, jeter à peine un regard sur les arcs de triomphe massifs et les colonnes triomphales autour desquelles l’ascension brutale des cortèges élève vers un empyrée qui ne dépasse pas leur cime la force de Rome. La Rome qui se voulait, qui se croyait artiste, a mis dans les portraits de marbre et dans quelques bas-reliefs saisissants d’autorité et de rudesse tout son génie natal. Pour le retrouver en des manifestations plus caractéristiques et démesurément imposantes, il faut quitter le domaine de l’art proprement dit, de cette fonction supérieure dont le rôle est d’exalter