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Pourquoi prendrait-il les éléments de ces conventions formelles à d’autres qu’à la Grèce, qui les lui offre ? Il y aura bien des essais de transformation, même une sourde insurrection d’instinct. Malgré lui, contre lui, un peuple est lui-même. Le temple grec ne peut être transporté à Rome comme les statues et les peintures, et quand l’architecte romain revient d’Athènes, de Sicile ou de Paestum, il a eu le temps, en cours de route, de transformer sans le savoir la science qu’il en rapporte. La colonne devient épaisse et lisse, souvent inutile, placée contre le mur en guise d’ornement. Si l’ordre corinthien domine, le dorique et l’ionique transformés font de fréquentes apparitions, souvent se mêlent ou se superposent dans le même monument. Le temple, presque toujours plus grand qu’en Grèce, perd son animation. Il est symétrique volontairement, massif, lourd, positif. Ce n’est guère que hors de Rome, en Gaule, en Grèce, en Asie surtout, que Rome construit de formidables temples, des temples éclatants de force et de soleil, où les hautes végétations corinthiennes paraissent des arbres vivants cimentés dans les murs. Mais sans doute Rome ne jouait-elle là-dedans que son rôle habituel d’administration sévère. Les temples de la Gaule hellénique sont grecs, les temples d’Asie ont la somptuosité et la grandeur redoutable de tout ce qui s’élève au-dessus de ce sol mystique, fiévreux, saturé de pourriture et de chaleur, et pour qui le temps ne compte pas. Partout, pour les monuments utilitaires eux-mêmes - car les arènes provençales, pour ne citer qu’elles, se présentent avec une discrétion, une grâce, une élégance dégagées qu’on ne rencontre pas en celles d’Italie - partout l’âme autochtone impose à Rome sa collaboration, et parfois sa domination. Dans l’ornement, par exemple, on trouve chez le Grec, chez l’Asiatique, chez l’Africain ou l’Espagnol travaillant sous les ordres du constructeur romain, l’insurrection silencieuse du sentiment personnel. Tels bas-reliefs gallo-romains font immédiatement penser, par leur saveur et leur verve, par la vigueur allègre avec laquelle la pierre est attaquée, par la tendresse concrète et peut-être un peu narquoise de leur accent,