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va plus loin pour en capter une autre. Dès le commencement du IIIe siècle l’Etrurie, broyée par Rome, cimente de son sang, de ses nerfs, avec le sang et les nerfs des Latins, des Sabins, le bloc où Rome s’appuiera pour se répandre sur la terre, en cercles concentriques, dans un effort profond. Toutes les résistances rencontrées, Pyrrhus, Carthage, Hannibal, ne seront pour elle que des moyens de cultiver sa volonté et de l’accroître. Les légions progressent comme une alluvion régulière.

Si le positivisme romain n’avait pas comprimé le Latin et l’Étrusque, on se demande, à lire Plaute, Lucrèce, Virgile, Juvénal, quel art eût pu réaliser cette rude synthèse des vieux peuples italiques, épris des bois et des jardins et dont le génie est amer comme ses feuillages, nourri comme ses labours. Mais le Romain fut trop tendu vers la conquête du dehors pour conquérir tout ce qu’il avait en lui-même de vigueur et d’âpreté. Tant que dura la guerre méthodique - cinq ou six siècles - il n’eut pas le temps de s’exprimer. Dès que les ressorts se détendirent, l’esprit -de la Grèce conquise les faussa. Mummius, après le sac de Corinthe, disait aux entrepreneurs chargés de faire parvenir à Rome le butin : « Je vous préviens que si vous cassez ces statues, vous aurez à les refaire. » Cette méconnaissance du rôle supérieur de l’œuvre d’art a quelque chose de sacré. Elle révèle une de ces candeurs dont un peuple peut tout espérer, s’il l’applique à se regarder vivre. Elle eût été pour Rome le salut, si Rome avait refusé les chefs-d’œuvre que lui envoyait le consul. Mais elle les accepta avec empressement, elle en fit venir d’autres, encore d’autres, elle dévasta la Grèce, et son dur esprit s’usa sur ce diamant.

C’est là une des fatalités de l’histoire et la preuve de la tendance qu’a l’ensemble des sociétés humaines à poursuivre son équilibre. Asservi matériellement, un peuple de culture supérieure asservit moralement le peuple qui l’a vaincu. La Chaldée impose son esprit à l’Assyrie, l’Assyrie et la Grèce ionienne à la Perse, la Grèce transforme le Dorien. Rome