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supérieure réalisée par leur esprit. Mais leurs grands poètes tragiques ont vu les Ménades vêtues de peaux de tigres et ceintes de serpents, couronnées de fleurs et de pampres, bondir avec les panthères hors des forêts, ils ont parlé de monstrueux accouplements d’où l’homme-bête jaillissait pour affirmer l’accord grandiose de la nature indifférente et du volontaire esprit. Et le plus humble de leurs paysans qui savait la source et la grotte peuplées de divinités familières, sentait paisiblement la fraternité de son sol.

Les Grecs introduisaient dans leur maison le monde de l’air et des plantes. Le cadavre de Pompéi, ville de la Grande Grèce bâtie, décorée par des Grecs, est couvert de fleurs. Dans les pièces closes, les marchés, partout des guirlandes de fleurs, de fruits, de feuilles, des oiseaux, des poissons, natures mortes épaisses, rutilantes, fougueuses, entourant des fausses fenêtres et des portes peintes qui s’ouvrent sur des perspectives de rues, de places, d’architectures et de champs. Sans doute n’est-ce là qu’une Grèce transplantée, latinisée, différente de la Grèce classique et tout envahie par les influences d’Alexandrie, d’Asie, et surtout inspirée par le ciel et la mer, la végétation, les rochers rouges, la flamme, le vin cuit dans la cendre chaude. Théocrite, sans doute, était Syracusain. Mais sur la terre grecque il y a des bas-reliefs, des sculptures de vases, des groupes tanagréens, chèvre-pieds, nymphes, jeunes femmes, danseuses, divinités des bois et des torrents, autour desquels on entend bruire les eaux, remuer les feuilles, mugir et chevroter les bêtes, rire et pleurer les flûtes dans le vent. Et si la nature environnante a fait taire un moment ses bruits autour du recueillement de Phidias inscrivant dans la seule forme humaine son intelligence du monde, Sophocle allait s’asseoir dans le petit bois de Colone, le bois d’orangers pleins de cigales où les ruisseaux tremblent sous la mousse, Pindare, le rugueux poète du Nord, en se rendant aux jeux par les routes des gorges et des plages, y ramassait de formidables images, pleines de ciels et d’océans, Eschyle, du haut de l’Acropole d’Argos, regardait la nuit étinceler, et, du plus loin-