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l’or des boucliers étincelait. Partout des temples peints, des propylées, des portiques, des stades à gradins, des colonnades, des dieux termes. De marbre les dalles des rues, les degrés des acropoles, les amphithéâtres sereins faisant face à la mer par-dessus les collines. D’or et de pierre, jaspes, agates, améthystes, cornalines, calcédoines, cristal de roche, les bijoux qui pesaient aux bras, agrafaient les tuniques, luisaient dans les cheveux teints. Et dans les maisons de marbre, de pierre ou de bois et jusqu’au fond des sépultures, des sièges de marbre ou de bois, des vases d’or, d’argent, de bronze, des statuettes de terre cuite ou de métal, des pots d’argile ou des coupes d’onyx.

Orgie de matière, certes, mais insinuant dans le monde, par sa fièvre de diffusion, l’esprit civilisateur. La Grèce n’inventa pas la monnaie, sans doute, mais ses cités furent les premières à lui donner sa forme circulaire, à frapper une tête d’un côté, un symbole de l’autre, une inscription mentionnant des devises, des signatures ou la valeur. Avec la diffusion de la richesse et de la culture esthétique, la monnaie jaillit par essaims des matrices de bronze. On en fabrique à peu près partout, à Athènes, en Asie, à Alexandrie, en Sicile surtout, dans les ateliers syracusains. La monnaie monte du foyer hellénique comme une crépitation d’étincelles. Le type change avec la ville, les événements, les victoires, les traditions. Statues, tableaux célèbres, légendes, mythes, animaux symboliques, portraits incisifs, les reliefs polis par des millions de mains, ombrés de noir au fond des creux, ont l’air d’une matière vivante immobilisée par le coin. Le cercle n’est jamais parfait, l’épaisseur du disque varie. Là, comme ailleurs, l’équilibre des éléments fait un organisme complet de l’objet d’art, que tuerait la symétrie. Le métal semble repoussé du dedans, comme gonflé de sucs et d’âme. Les Grecs lui donnent une vie charnelle ou végétale. Ils cisèlent des vases d’argent et d’or enlacés d’un réseau de branches où les graines, les bourgeons, les feuilles - chêne, olivier, laurier, platane, lierre - semblent frémir. C’est le fruit lourd enfoui dans le mystère du feuillage.