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l’abri des contacts profanes. La polygraphie et le roman ont succédé à la tragédie et à l’histoire. C’est l’époque où les élégants, hommes et femmes, couverts des pieds à la tête d’amulettes et de bijoux, boivent et mangent dans le métal ciselé. La cigale d’or dans les cheveux ne suffisait plus aux mondaines. Il leur fallait des bagues, des camées, des intailles, des colliers, des bracelets, des agrafes, des pendeloques. Bijoux d’or, simples de forme, en Grèce du moins, car l’Asie et la Rome impériale ont des goûts plus pompeux. Le métal a la souplesse d’une liane, il rampe comme un reptile sur les formes, il épouse les sillons tièdes des cous, il cercle la splendeur des bras, il attire l’oeil sur les belles mains, il marie à l’éclat mat de la peau fardée sa pâleur fauve. Serties ou suspendues, des pierres finement gravées, portant des dieux et des portraits, des oiseaux, des lions, des scarabées et des chimères, amulettes aussi nombreuses que les superstitions des époques sans foi.

L’art antique n’a pas connu la pierre pour elle-même, la lumière immobilisée. Il fallait qu’il travaillât la matière, qu’il imprimât en elle son idée de l’univers, de lui-même et de son destin. Dans la pierre, le marbre, le bronze, l’or, l’argent, l’ivoire, la cire, le bois, l’argile, dans toutes les cristallisations de la terre, ses os, sa chair, son sang, ses larmes, le Grec a ciselé partout la forme de son esprit. On a douté de la beauté de la sculpture chryséléphantine du Ve siècle, comme de la splendeur que devaient prendre, sous l’immense ciel grec, les temples bleu et or qui montaient des bois de lauriers, des acropoles et des promontoires, en accordant au marbre blanc je ne sais quel privilège d’absolue spiritualité. En sculptant Athéné ou Zeus dans l’or ou l’ivoire, les Grecs ne voulaient qu’exprimer leur vénération pour eux. Mais un esprit .` comme celui de Phidias ne pouvait pas se tromper sur l’instrument à employer. Il avait sous son front l’ordre, la force lyrique, l’accord harmonieux de l’intelligence et du cœur, et s’il sculptait les dieux dans l’or et l’ivoire, c’est que l’or et l’ivoire lui obéissaient comme le marbre. Qu’importe la matière ?