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Si nous nous tournons tour à tour vers les Égyptiens, vers les Assyriens, vers les Grecs, vers les Indous, vers les Français du Moyen Age, vers les Italiens, vers les Hollandais, c’est que nous appartenons tantôt à un milieu, tantôt à une époque, tantôt même à une minute de notre temps ou de notre vie qui a besoin des uns plus que des autres. Quand nous avons froid, nous cherchons le soleil, nous cherchons l’ombre quand nous avons chaud. Les grandes civilisations qui nous ont formés ont chacune une part égale à notre reconnaissance, parce que nous avons demandé successivement à chacune d’elles ce qui nous faisait défaut. Nous avons vécu la tradition quand nous avions intérêt à la vivre, accepté la révolution quand elle nous sauvait. Nous avons été idéalistes quand le monde s’abandonnait au découragement ou pressentait des destinées nouvelles, réalistes quand il semblait avoir trouvé sa stabilité provisoire. Nous n’avons pas demandé plus de recueillement aux races passionnées, ni plus d’élan aux races positives, parce que nous avons compris la nécessité de la passion et la nécessité de l’esprit positif. C’est nous qui avons écrit le livre immense où Cervantès a raconté combien nous étions généreux et combien nous étions pratiques. Nous avons suivi l’un ou l’autre des grands courants de l’esprit et nous avons pu invoquer des arguments de valeur à peu près égale pour justifier nos penchants. Ce que nous appelons l’art idéaliste, ce que nous appelons l’art réaliste sont des formes momentanées de notre éternelle action. A nous de saisir la minute immortelle où les forces conservatrices et les forces révolutionnaires de la vie s’épousent pour réaliser l’équilibre de l’âme humaine.

Ainsi, quelle que soit la forme sous laquelle il nous est offert, qu’il soit actuellement vrai ou vrai dans notre désir, qu’il soit vrai à la fois dans son apparence immédiate et dans ses destinées possibles, l’objet par lui-même, le fait par lui-même ne sont rien. Ils ne valent que par leurs relations infiniment nombreuses avec une ambiance infiniment complexe et jamais semblable à une autre, qui traduisent des sentiments univer-