Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée

le dieu des résurrections périodiques, le dieu des superstitions primitives, des magies et des maléfices, comme il avait été, au temps d’Eschyle, le dieu des ivresses païennes, Dionysos, l’éternel dieu des multitudes et des femmes. C’était l’homme-dieu de leurs mythes aussi, le héros, Héraklès, Prométhée. Avant le Christ, les stoïciens avaient enseigné la conquête de la liberté intérieure qui est la somme des disciplines que nous pouvons nous imposer. Avant le Christ, Socrate était mort pour les hommes. L’humanité du Christ fut le testament du monde antique plutôt que la préface du nouveau.

Elle apporta d’abord l’épée. Saint Paul va trahir Jésus, souffler à l’intelligence obscurcie du monde gémissant, la revanche de l’esprit juif. Les philosophes lui tournent le dos, mais les esclaves qui souffrent et les femmes, matrices de notre esprit comme de notre chair, les femmes qui veillent toujours à ce que le feu du foyer brûle, les esclaves et les femmes l’écoutent. L’homme crée l’idéal, mais il s’en lasse. Quand l’idéal s’éteint en lui, c’est la femme qui le recueille pour le faire dormir en elle jusqu’au jour où une autre voix mâle viendra l’y réveiller. Si l’art se féminise et s’attendrit dans l’esprit des hommes, comme en témoignent toutes les œuvres de cet âge, la volonté se virilise et se tend dans le cœur des femmes. Et c’est ceci qui tue cela.

La raison mourait seule, sceptique et dédaigneuse. Le sentiment grandissait seul, aveugle et tâtonnant.

Il devait vaincre. Il était la foule et la vie. L’élan sentimental des faibles ruine la civilisation. On va brûler les livres, briser les statues, éventrer les temples humains, perdre le contact de la terre. Qu’importe. Il faut accepter ces chutes. Ce sont elles qui conditionnent les lendemains réparateurs. Sur le terrain occidental, labouré par la Grèce, la vraie pensée du Christ renaîtra, dans le verbe de Prométhée, après plus de mille ans d’obscurité, de fureurs, d’incompréhensions. On dirait que c’est cet abîme que regardent les vieux portraits de la dernière Égypte, avec leur visage d’énigme et les ténèbres de leurs yeux où tremble une lueur.