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d’hommes. Les images qu’il laissera assureront à ceux qui sauront en comprendre la logique et la certitude un accroissement de pouvoir. Ils goûteront à l’écouter l’illusion qu’il a goûtée une minute, l’illusion souvent redoutable mais toujours anoblissante de l’adaptation absolue.

C’est la seule illusion divine ! Nous appelons un Dieu la forme qui traduit le mieux notre désir, sensuel, moral, individuel, social, qu’importe ! notre désir indéfini de comprendre, d’utiliser la vie, de reculer sans cesse les limites de l’intelligence et du cœur. Nous envahissons de ce désir les lignes, les saillies, les volumes qui nous dénoncent cette forme, et c’est dans sa rencontre avec les puissances profondes qui circulent au-dedans d’elle que le Dieu se révèle à nous. Du choc de l’esprit qui l’anime et de l’esprit qui nous anime jaillit la vie. Nous ne saurons l’utiliser que si elle répond tout entière aux mouvements obscurs qui dictent nos propres actions. Quand Rodin voit frémir dans l’épaisseur du marbre un homme et une femme noués par leurs bras et leurs jambes, si étroite que soit l’étreinte, jamais nous n’en comprendrons la tragique nécessité si nous ne sentons pas qu’une force intérieure, le désir, confond les cœurs et les chairs des corps soudés ensemble. Quand Carrière arrache à la matière universelle une mère donnant le sein à son enfant, nous ńe comprendrons pas la valeur de cet enlacement si nous ne sentons pas qu’une force intérieure, l’amour, commande l’inclinaison du torse et la courbe du bras maternel, et qu’une autre force intérieure, la faim, blottit l’enfant dans la poitrine. L’image qui n’exprime rien n’est pas belle, et le plus beau sentiment nous échappe s’il ne détermine pas directement l’image qui le traduira. Les frontons, les fresques, les épopées, les symphonies, les plus hautes architectures, toute la liberté entraînante, la gloire et l’irrésistible pouvoir du temple infini et vivant que nous élevons à nous-mêmes sont dans ce mystérieux accord.

Il définit dans tous les cas toutes les formes supérieures des témoignages de confiance et de foi que nous avons laissés sur notre longue route, tout notre effort idéaliste qu’aucun