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ches anciennes, se noyer peu à peu dans l’incompréhension, la fatigue, la nécessité impérieuse d’un grand sentiment nouveau.

L’oubli des relations essentielles entraîne l’artiste à s’inquiéter de l’accident, du mouvement rare, de l’expression exceptionnelle, de l’action momentanée, et surtout, avec la remontée à l’horizon des préoccupations mystiques, à rechercher l’effroi, la douleur, le délire, toutes les souffrances physiques, toutes les impulsions sentimentales. La synthèse plastique subit la même dispersion. Alors le détail apparaît, il tyrannise l’artiste. L’attribut envahit la forme. Elle a beau gesticuler comme si elle voulait s’en défendre, l’attribut se rive à elle, comme une chaîne. Lyres, tridents, sceptres, foudres, draperies, sandales, coiffures, la défroque des ateliers et des coulisses de théâtre fait son entrée. Le lyrisme profond de l’âme baisse, il faut un lyrisme extérieur qui masque ses défaillances. C’est l’enthousiasme qui divinisait la statue, comment reconnaître le dieu, maintenant, s’il n’a pas de sceptre et de couronne ? La foi soulevait la matière, en faisait jaillir l’éclair jusqu’au ciel humain de l’espoir. C’est fini. l faut des ailes aux statues. Au Ve siècle, l’aile était rare aux épaules des dieux. On la trouvait chez l’archaïque essayant d’arracher la forme à la matière qui l’enchaîne. On la trouve chez le décadent où elle tente de soulever la forme que sa propre ardeur ne soutient plus. La Victoire de Samothrace en a déjà besoin pour quitter la proue du navire, car la complication des draperies mouillées qui lui pèsent aux jambes alourdit son terrible élan, la torsion de son buste, la tempête de vol, de clairons et de vent qui se lève dans son sillage.

III

L’art grec, au moment même où il se dissociait ainsi en profondeur, s’éparpillait sur toute la surface matérielle de l’Antiquité hellénique. Après le mouvement de concentration qui