Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

II

Mais la ferveur primitive se transformera bientôt, quelque chose d’un peu lassé touchera la force du marbre. Très vite les formes s’allongent, s’affinent, coulent comme une caresse unique, tremblent d’émoi sensuel, de pudeur envahie d’amour. Le modelé ondule doucement, le passage insiste, s’insinue, efface le plan peu à peu. Des creux errants moirent la chair, les seins sont des fleurs incertaines qui ne s’ouvrent jamais tout à fait, le cou se gonfle de soupirs, le chignon serré de bandelettes pèse à la belle tête ronde où court le ruissellement des cheveux. Comme vers la fin de l’Égypte, c’est l’adieu troublé à la femme où dormira l’espoir des résurrections lointaines. Regardez, après les Victoires, après les Danseuses de Delphes, d’une telle grâce naturelle qu’elles font penser à une touffe de roseaux, la Léda accueillant tout debout le grand cygne aux ailes battantes, laissant le bec saisir sa nuque, la patte se crisper sur sa cuisse - la femme tremblante soumise à la force fatale qui lui révèle, en la pénétrant de volupté et de douleur, toute la vie. Cela est encore religieux, grave, à peine imprégné de trouble enivré, à peine incliné sur la pente de l’abandon sensuel, et comme l’adieu de la Grèce à la noble vie païenne. Le paganisme héroïque commence son agonie par un sourire, peut-être un peu mélancolique, mais attendri, et résigné. II semble que cette race admirable ait eu le sentiment de la relativité de notre connaissance et qu’elle ait accepté le début de sa déchéance aussi simplement qu’elle avait accepté son essor.

Ainsi, par la critique et la sensualité, la Grèce se rapprochait de l’homme vrai pour oublier l’homme possible. Lysippe recommençait à couler en bronze des athlètes, jeunes hommes musclés et calmes dont la vie immédiate, quittant les régions intérieures, roulait sous la peau soulevée. La forme, certes, en