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maisons nous semblent beaux dès qu’ils remplissent leur fonction avec fidélité. Mais nous nous obstinons à placer au-dessus, c’est-à-dire hors de la nature, les organismes supérieurs où elle se dénonce à nous avec le plus d’intérêt pour nous-mêmes, notre corps, notre dosage, notre pensée, le monde infini des idées, des passions et des paysages au milieu desquels ils vivent, qu’ils définissent et qui les définissent sans que nous puissions les séparer. Guyau n’allait pas assez loin quand il se demandait si le geste le plus utile n’est pas le geste le plus beau et nous reculons avec lui devant le mot décisif comme s’il devait étouffer notre rêve, que nous savons pourtant impérissable puisque nous n’atteindrons jamais cette réalisation de nous-mêmes que nous poursuivons sans arrêt. Or, ce mot a été prononcé, et par celui de tous les hommes dont l’intelligence fut la plus libérée, peut être, de toute entrave matérielle « N’est-ce pas la fonction d’un beau corps, disait Platon, n’est-ce pas sors utilité qui nous démontrent qu’il est beau ? Et tout ce que nous trouvons beau, les visages, les couleurs, les sons, les métiers, tout cela n’est-il pas d’autant plus beau que nous le sentons plus utile ?

Que notre idéalisme se rassure ! Ce n’est que par une longue accumulation d’émotions et de volontés que l’homme parvient à reconnaître sur sa route les formes qui lui sont utiles. C’est ce choix seul, opéré par quelques esprits, qui déterminera pour l’avenir dans l’instinct de multitudes ce qui est destiné à passer du domaine de la spéculation dans le domaine de la pratique. C’est notre développement général, c’est l’épuration pénible et progresse de notre intelligence et de notre désir qui créent et rendent nécessaires les formes de civilisation qui se traduisent, pour les esprits positifs, par la satisfaction directe et facile de tous leurs besoins matériels. Ce qu’il y a de plus utile à l’homme, c’est l’idée.

La forme belle, qu’elle soit un arbre ou un fleuve, les seins d’une femme ou ses flancs, les épaules ou les bras d’un homme ou le crâne d’un dieu, la forme belle c’est la forme qui s’adapte à sa fonction. L’idée n’a pas d’autre rôle que de nous