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rejaillir multipliées sous des formes définitives, donne sa force à tout le grand art grec. L’anonyme d’Olympie, Phidias et ses élèves, les architectes de l’Acropole expriment les mêmes rapports, le même univers prodigieux et confus ramené à l’échelle humaine, la même raison supérieure aux accidents de la nature et subordonnée à ses lois. Mais le langage de chacun reste aussi personnel que son corps, ses mains, la forme de son front, la couleur de ses yeux, toute sa substance première qui s’écrit dans le marbre avec le même trait que l’ordre universel compris et extériorisé. Voyez la foi, l’élan presque sauvage du statuaire d’Olympie, sa phrase rude et large. Voyez la religion, l’énergie soutenue, le recueillement de Phidias, sa longue phrase balancée. Voyez, aux frises du pourtour, la discrétion de ses élèves qui n’ont ni sa liberté ni sa puissance mais qui sont calmes comme lui parce qu’ils vivent comme lui une heure de certitude. L’homme, l’animal, l’élément, tout consent à son rôle, et l’artiste a sur tout son cœur fraternel, sur toute sa grande âme ouverte, la oie de ce consentement. C’est avec le même esprit qu’il raconte la tiédeur des femmes, la force des hommes et la rumination des bœufs. Vie glorieuse comme l’été ! L’homme a saisi le sens de son action, c’est par ce qui est autour de lui qu’il s’affranchit et s’améliore, c’est par lui-même qu’il humanise ce qui est autour de lui.

Les mauvaises copies romaines des œuvres de sa fin, les déesses molles, les dieux drapés qui brandissent des lyres, les figures de littérature et d’école ont longtemps calomnié l’art grec. Il exprimait pour nous un peuple fade, prenant une attitude de théâtre pour dérouter l’avenir. L’héroïsme factice cachait l’héroïsme réel et la rudesse et la verdeur de la vie primitive s’effaçaient derrière les fictions des romanciers alexandrins. Nous décrivions les draperies des Parques avant d’avoir vu leurs genoux, l’abri chaud de leur ventre, leurs torses montant avec la force et le tumulte d’une vague vers les têtes absentes qu’on devine inclinées pour la confidence et l’aveu. L’anatomie du Thésée et de l’Ilyssus nous masquait la