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les yeux, on dirait qu’il épouse, au fond de leurs eaux immobiles, l’esprit qui est venu s’y reposer pour y recouvrer sa vigueur. Le cours mécanique des astres, la rumeur de la mer, l’éternelle marée des germes, la fuite insaisissable du mouvement universel passent incessamment dans ces formes profondes pour y fleurir en énergies intelligentes.

Grande et solennelle minute ! L’homme prolonge la nature dont le rythme est dans son cœur et détermine, à chaque battement, le flux, le reflux de son âme. La conscience explique l’instinct et remplit sa fonction supérieure, qui est de pénétrer l’ordre du monde pour lui mieux obéir. L’âme consent à ne pas abandonner la forme, à s’exprimer par elle, à faire jaillir de son contact l’unique éclair. L’esprit est comme le parfum du sensualisme nécessaire et les sens demandent à l’esprit de justifier leurs désirs. La raison n’affaiblit pas encore le sentiment qui puise, en l’épousant, une force nouvelle. L’idéalisme le plus haut ne perd jamais de vue les éléments réels de ses généralisations, et quand l’artiste grec modèle une forme immédiate, elle resplendit sans effort d’une vérité symbolique.

L’art grec, à ce moment, atteint l’instant philosophique. Il est un devenir vivant. Idéaliste dans son désir il vit, parce qu’il demande à la vie les éléments de ses constructions idéales. Il est l’espèce dans sa loi, l’homme et la femme, le cheval et le bœuf, la fleur, le fruit, l’être exclusivement décrit par ses qualités essentielles et fait pour vivre tel qu’il est dans l’exercice supérieur de sa fonction moyenne. Il est en même temps un homme, une femme, un cheval, un bœuf, une fleur, un fruit. La grande Vénus, paisible comme un absolu, est voulue par toute la race. Elle résume son espoir, elle fixe son désir, mais son cou gonflé, ses beaux seins mûrissants, ses flancs qui bougent la font vivante. Elle prête son rayonnement à l’espace qui la caresse, dore ses flancs, fait se soulever ses poumons. Il la pénètre, elle se mêle à lui. Elle est l’insaisissable instant où l’éternité se rencontre avec la vie universelle.

Cet état d’équilibre, où toutes les puissances vitales paraissent suspendues dans la conscience de l’homme avant d’en