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regard. Dans toutes les choses qu’il voit, d’autres choses retentissent, des échos lointains naissent pour s’enfler progressivement et décroître peu à peu, il n’est pas dans la nature un mouvement dont on ne puisse trouver dans tous les mouvements qui nous la manifestent le germe et la répercussion. C’est un enchaînement de causes et d’effets logique, mais encore enivré de s’être découvert lui-même et que l’esprit de l’artiste prolonge sans arrêt pour recueillir en lui son tumulte et son emportement. Encore une seconde, et Phidias va le transformer en harmonies spirituelles qui marqueront l’épanouissement de l’intelligence dans la plénitude de l’amour.

III

Avec lui, le modelé n’est plus une science, il n’est pas encore un métier, il est une pensée vivante. Les volumes, les mouvements, la houle qui part d’un angle du fronton pour aboutir à l’autre, tout est sculpté par le dedans, tout obéit aux forces intérieures pour nous en révéler le sens. Le flot vivant parcourt les membres, les remplit tout à fait, les arrondit ou les allonge, modèle les têtes des os, et ravine comme une plaine les torses glorieux, du ventre secret au tremblement dur des mamelles. Par la sève qui monte et le fait battre, chaque fragment de matière, même brisé, est à lui seul un ensemble mouvant qui participe à l’existence de l’ensemble, reçoit et lui renvoie sa vie. Une solidarité organique les attache invinciblement. La vie supérieure de l’âme, pour la première et la seule fois dans l’histoire mêlée et confondue avec la vie torrentielle des éléments indifférents, se lève sur le monde ivre et forte dans la jeunesse immortelle d’un moment qui ne peut durer.

Du crépuscule au crépuscule, les frontons déroulent la vie. En eux la paix descend avec la nuit et la lumière monte avec le jour. La vie grandit, marche sans hâte, décroît, des deux bras de Phoibos qui émergent de l’horizon, tendus vers le sommet