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est la définitive image, il y a des antagonismes, des actions et des réactions, mais tous les conflits partiels s’effacent et se fondent dans l’ordre intellectuel que l’homme doit constituer. Héraclite vient d’affirmer, avec l’éternel ruissellement des choses, l’identité des contraires et leur accord profond dans l’eurythmie universelle.

C’est là surtout ce que sont venus nous apprendre les vieux frontons d’Olympie. Les tremblements de terre les ont disloqués, l’homme les a brisés, en a dispersé les morceaux, les alluvions de l’Alphée ont lavé leur violente polychromie. Tels qu’ils sont, avec de terribles vides, souvent sans tête, sans torse, sans membres presque toujours, tenus par des crampons de fer, ils restent uns, cohérents, solidaires, comme ils se dressaient au pied du Kronion, dans close, sur les bois peuplés de statues. En rut, ivres de vin, les centaures entraînent les vierges. Des poings, des coudes frappent, des doigts tordent et dénouent, des ongles déchirent, des couteaux tuent, de grands corps s’effondrent sous la hache dans le martèlement des sabots, les sanglots, les imprécations. La brute meurt, mais la fièvre brûle ses reins, sa sauvage étreinte se resserre. Rudesse, ardeur de la foi neuve, violence des vieux mythes qui faisaient revivre les rapts des forêts primitives où tout était menace, assaut, terreur mystérieuse,- modelé large et mouvementé, surfaces taillées à grands coups, il n’y a là que de la lutte, du désir, de l’assassinat, de la mort. Pourtant, un calme souverain plane sur la scène. On dirait une mer qui roule et crie, mais qui est tout de même une immense harmonie tranquille. C’est que le flot est continu, que les mêmes forces le creusent, le soulèvent, et le font toujours retomber pour remonter toujours.

L’Eschyle dorien qui sculpta cette grande chose à l’heure où la fusion de l’âme apollinienne et de l’ivresse dionysienne faisait jaillir la tragédie du sein de la musique orgiaque, où un prodigieux équilibre maintenait le trouble mystique dans la lumière de l’esprit, sentait tressaillir en lui l’instinct d’une harmonie qui ne s’arrêtait pas au cercle embrassé par son