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Ingénues comme la jeunesse, perverses comme le désir, elles sont fermes et libres comme la volonté.

Avec elles, ‘l’archaïsme grec s’est tout à fait emparé de cette conception architecturale de la forme qui peut être très dangereuse, parce qu’on risque, comme les Égyptiens, de n’en jamais sortir. Sans elle, il n’est pas de sculpture. Elle est plus élevée, aux yeux de quelques-uns, que l’expression équilibrée de notre destinée physique, que le Ve siècle va réaliser chez les Grecs. S’y tenir pourtant, c’est s’arrêter aux apparences d’absolu au-delà desquelles l’intuition ne peut plus avancer et interdire à l’intelligence de rechercher dans ses rapports avec le monde qui l’entoure son sens moyen d’humanité. C’est avoir peur d’aborder le mystère que nous savons impénétrable et reculant toujours à mesure que nous avançons. Reprocher à l’art grec d’avoir été humain, c’est reprocher à l’homme d’être. Et c’est même oublier que l’art du Ve siècle, tout en brisant les cadres de la forme archaïque pour y faire entrer par torrents la palpitation et l’atmosphère de la vie, a retenu tous les principes qui font sa force et son austérité.

Le statuaire égyptien, le statuaire grec des premiers siècles, uniquement préoccupé d’établir l’architecture des ensembles avant de pénétrer dans le monde touffu des gestes et des sentiments, a trouvé la loi des profils, fixé la masse entière dans les plans qui la définissent et fondé, ce faisant, la science sculpturale. Mais l’élément qui anime le bloc et lui donne le mouvement y manque, ou du moins il y prend une signification hermétique qui l’écarte tous les jours de la route suivie ailleurs par l’homme et le conduit fatalement au désert de l’abstraction pure, fermé de tous les côtés. Immobilisée pour toujours, ne pouvant étendre ses recherches, la statuaire égyptienne s’attachait à subtiliser le passage, l’onde sans commencement ni fin qui relie un plan à un autre, et s’absorbait dans ce problème jusqu’à perdre de vue la forme maternelle qui en fut le point de départ, et mourir de cet oubli sans espoir de résurrection. La sculpture saïte ne fait que des tentatives trop timides d’indépendance, elle recommence le même effort, elle