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devoir changer. Le Péloponnèse devient la grande pépinière des marbriers archaïques : Cléœthas, Aristoclès, Kanakhos, Hagélaïdas ouvrent des ateliers à Argos, à Sicyone et Sparte, la citadelle de l’idéal dorien devient, avant Athènes, le foyer de la pensée grecque. Mais l’hellénisme intégral n’y trouvera pas son aliment. Sparte est loin des routes du vieux monde, emprisonnée dans une vallée solitaire où coulent des torrents de montagne, jalousement fertile, séparée des grands horizons par les arêtes dures du Taygète que la neige couvre jusqu’en été. Le peuple qui l’habite est aussi fermé qu’elle, et c’est ce milieu isolé qui maintiendra si longtemps son égoïsme volontaire. Athènes, au contraire, est au centre de la Méditerranée orientale, et près de la mer. Elle est le point de rencontre de l’élément dorien, positif et discipliné, qui remonte du sud vers Corinthe, Egine et l’Attique, à la recherche de contrées à soumettre, et de l’élément ionien qui lui apporte, au travers du crible des îles, l’esprit artiste de l’Asie, assoupli et subtilisé par l’habitude du négoce, de la diplomatie et de la contrebande. La gloire de Sparte, au fond, c’est d’avoir offert à Athènes un terrain vierge à féconder, et aussi, en la harcelant sans merci, de l’avoir tenue en haleine, de l’avoir obligée longtemps à cultiver son énergie. Athènes, trempée par ces luttes, ne tardera pas à montrer sa supériorité. Quand les soldats de Darius suivront les négociants asiatiques vers les rivages de l’Europe, c’est elle qui prendra la tête de la Grèce, alors que Sparte, enfermée dans la culture aveugle de son intérêt personnel, ne rejoindra son rang qu’après le combat.

Où trouver la première étape de l’art ionien en marche vers l’Attique, l’aube incertaine du grand sensualisme oriental assaini par la mer et affiné par le négoce qui va inonder l’âme dorienne d’humanité ? La Héra de Samos est peut-être plus raide encore que les athlètes péloponnésiaques, comme elle est plus près de l’Égypte saïte qui éclôt à ce moment-là et envahit la forme hiératique de féminité. Une étroite gaine d’étoffe emprisonne ses jambes réunies, mais, sous le voile qui la couvre, léger et ridé comme une eau, les épaules, les bras, la