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Le temple où règnent ces idoles, taureaux, serpents tortueux, visages étonnés à barbe verte, est d’ailleurs, dans son principe, ce qu’il sera aux plus grandes époques. L’architecture est l’art collectif, nécessaire, qui apparaît le premier, qui meurt le premier. Le besoin primordial de l’homme après la nourriture, c’est l’abri, et c’est pour édifier cet abri qu’il fait appel pour la première fois à la faculté qu’il possède de découvrir, dans les constructions naturelles, une logique d’où la loi sortira peu à peu pour lui permettre d’organiser sa vie selon le plan universel. La forêt, les falaises sont les fortes éducatrices de l’abstraction géométrique où l’homme puisera les moyens de bâtir des maisons ayant chance de résister à l’assaut des pluies et des orages. A Corinthe s’élève déjà un temple à colonnes trapues, très larges, sortant droit du sol, montant d’un bloc jusqu’à l’entablement. Plusieurs sont debout encore. Elles sont terribles à voir, noires, rongées comme de vieux arbres, aussi dures que l’esprit des contrées péloponnésiennes. L’ordre dorique sortait de ces maisons de paysans qu’on voit encore dans les campagnes d’Asie Mineure, des arbres plantés dans le sol, en quatre lignes faisant rectangle, supportant d’autres arbres horizontaux où s’assiéra le toit. La forme du fronton vient de la pente de ce toit, calculée pour l’écoulement des pluies. Le temple grec, même quand il réalisera les combinaisons intellectuelles les plus lucides et les plus volontaires, plongera toutes ses racines dans le monde matériel dont il est la loi formulée.

Sur les sculptures de ces temples, l’esprit de l’Asie a laissé sa trace. Elles se prolongeront jusqu’au grand siècle, mais tellement assimilées au génie hellénique naissant qu’on ne peut songer, à les voir, à une imitation directe, mais plutôt à ces ressemblances incertaines et fuyantes qui flottent sur le visage des enfants. Les Apollons archaïques doriens, ces statues souriantes et terribles où la force monte d’un flot, font sans doute penser aux formes égyptiennes, par la jambe qui porte en avant, les bras collés au torse raide. Mais, sur ce hiératisme, l’esprit théocratique n’exerce pas d’action. L’art dorien est tout