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s’interdit de rechercher en l’homme même les moyens d’élargir le monde et d’en spiritualiser infiniment et inépuisablement les aspects.

Elle semble, au reste, avoir tourné court au moment où il atteignait, avec Phidias, le sommet incomparable de son idéalisme naturiste que la puissance de Phidias impose à ses successeurs comme une borne rationnelle qu’il leur interdit de dépasser. Apollon, vainqueur de Dionysos, allait mourir de sa victoire. Un rythme plus vaste, une atmosphère musicale, un appel aux forces cosmiques qui eussent pu lui révéler l’analogie universelle tressaillaient dans les doctrines confuses des philosophes et dans les créations équivoques mais enivrantes des sculpteurs qui précèdent l’époque des guerres médiques et des réalisations classiques du génie grec. La morale et la raison l’emportent, au Ve siècle, pour le bien des multitudes, peut-être, et l’exploration de la route unique où la politique et la science modernes ont ni par s’engager. Mais c’est au détriment de cette ivresse grandiose qui donne à la plus humble forme sortie des mains du statuaire d’Égypte, de Chine ou d’Hindoustan, le privilège de paraître appartenir toujours à un ensemble invisible qui nous dépasse et nous entoure et dont les ondes subtiles la pénètrent incessamment. Il est impossible de réunir dans un équilibre plus stable que celui dont l’art de Phidias nous offre le spectacle, tous les éléments de sensualité et de volonté, de sensibilité et d’intelligence qui donnent à notre univers familier ce caractère d’humanité que nous répudions souvent quand nous ne sommes pas en sa présence mais qui nous touche toujours si vivement dès que nous nous y retrouvons. H est impossible, par contre, d’interdire plus complètement à notre imagination suprasensible, en lui présentant l’image d’une telle perfection, de pénétrer plus loin dans l’empire intérieur de l’âme et par suite de lui permettre d’en tirer une forme - moins vraie par le détail, plus rayonnante par l’ensemble - qui en symbolise et en résume la plus secrète aspiration.