Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art antique, 1926.djvu/156

Cette page n’a pas encore été corrigée

On voit désormais pourquoi, dans les manifestations les plus hautes même du génie grec, ne vit aucune illusion supérieure. Il s’agit simplement d’atteindre la forme absolue. C’est de l’intelligence pure et parfaite, mais limitée. L’ivresse mystique est interdite au philosophe trop subtil qui voit nus devant lui les mobiles toujours intéressés et consciemment intéressés de tous les actes, comme au sculpteur trop clairvoyant auquel, par un contraste saisissant avec l’homme qu’elle nourrit, une nature trop harmonieuse et mesurée ne présente aucun abîme à explorer, aucune contradiction d’ordre plastique à résoudre. Leur énergie bandée commande des solutions simples, parce que les gestes de l’homme et les aspects du monde le sont. L’universel mystère échappe à l’âme grecque, parce qu’elle le fait tenir dans les bornes de la raison.

Mais par là précisément l’art grec, étant le moins mystérieux qu’on sache, est !e mystère de l’art. Il est en contradiction radicale avec le principe profond de l’art même, qui est d’imaginer pour nous un monde intérieur vivant et s’enivrant d’une illusion toute-puissante, et d’en donner une image qui ne soit pas la représentation exacte de notre monde extérieur. Tout symbolisme lui est étranger. Il est naturaliste. Et si dans son désir d’absolu réalisable, il fait la nature plus belle, c’est dans le sens étroit qu’elle lui a enseigné. Il ne transpose pas, il ne stylise pas, il ne schématise pas, il ne résume même pas. Il exprime avec perfection. Il pousse la splendeur physique de la vie, et rien que physique, jusqu’à l’extrémité des indications formelles que la vie lui a révélées. Il dit tout, comme on ne saura jamais mieux, ni sans doute aussi bien le dire, mais ne suggère à peu près rien. C’est ce qui le fait incomparable, et arrêté. Il est anthropomorphiste, à coup sûr, puisqu’il ne voit rien au-delà de la forme humaine conduite au point le plus rigoureux d’adaptation à sa fonction et d’harmonie. Il n’est pas anthropocentriste. En limitant à la représentation de l’objet, perfectionné par une étude attentive, l’expression qu’il donne du monde, il