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aujourd’hui plus nobles, les Indous plus lyriques, les Chinois plus réfléchis, les gothiques plus humains et les nègres plus accentués, c’est que nous n’ayons aujourd’hui un besoin plus pressant des forces délivrées par ces -nouveaux élus, que des forces révélées par ce génie grec qui si longtemps anima les nôtres. Mais il reste à expliquer comment une perfection telle a pu jaillir d’une telle abjection et c’est peut-être là, précisément, ce que nous a appas l’étude des civilisations qui se sont développées antérieurement ou extérieurement à l’hellénisme. L’abjection est partout la même, certes - au moins chez les peuples artistes, car il y a des peuples moraux, ou relativement moraux - mais peut-être est-elle ailleurs moins évidente, moins insistante, moins généralisée, moins agressive, moins irrémédiable qu’en Grèce, et souvent relevée par des vertus mystiques ou aristocratiques que les Grecs ne connaissaient pas. Et c’est ce qui donne à l’art grec ce caractère si ordonné, comme en opposition à peu près diamétrale, dans toutes ses manifestations, avec !’accent de l’histoire, des mœurs, de la vie publique et privée de la nation grecque répandue ; depuis trois mille ans, autour de la Méditerranée orientale.

Les Grecs poursuivent un absolu, mais comme il est un peu borné, ils croient candidement à la possibilité de sa réalisation immédiate. Leur imagination a de terribles désirs, mais ces désirs, quoi qu’ils disent et peut-être pensent, ne vont pas au-delà de la proie vivante à atteindre, et s’ils revêtent leurs prétextes d’un idéalisme ingénu, il croule comme un décor dès que la proie se dérobe. Il va d’un bond à cette proie, et par n’importe quel chemin, le plus souvent sans réfléchir. La réflexion vient quand surgit l’obstacle, et le péril. Le Grec redoute deux choses, la responsabilité et la mort. Il ne suit jamais jusqu’au bout celui qui recherche l’une et qui sait accepter l’autre et, après !’avoir soudain idolâtré parce qu’il flattait son désir en attisant son imagination, il lui réserve, brusquement, la calomnie et le martyre. Comme ce désir l’entraîne au-delà de ses moyens, ce sont les moyens de