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explorer les sources, comme l’idée seule que Jésus n’est pas un dieu nous a permis d’arracher aux légendes théologiques les origines du christianisme pour l’humaniser, et par là peut-être le grandir. Burckhardt, Nietzsche surtout ont projeté là-dessus quelques lumières décisives que H.-G. Wells a récemment utilisées [10] et que Charles Andler, dans son étude magistrale de l’évolution intellectuelle de Nietzsche [11] a orientées, je crois, définitivement. Sans compter !’explication des causes actuelles, qu’on peut étendre de la géologie à l’ethnologie et à l’Histoire et qui nous montre, par des exemples récents, que la civilisation grecque, en dépouillant sa force créatrice, n’a pas perdu ses qualités originelles de turbulence inquiète mais féconde, d’idéalisme sans frein, mais aussi sans continuité, d’illusionnisme incorrigible et, bien qu’insupportable, nécessaire, de nationalisme spirituel ruinant la cité cependant chérie pour vouloir et ne pas pouvoir stabiliser l’unité morale de la race, d’aspiration vers la justice qui proscrit l’homme juste et massacre l’innocent, de prétention à la sagesse qui condamne à une agitation perpétuelle l’indolence native d’un peuple incapable de se connaître, bien que poursuivant sans lassitude le fantôme de sa raison.

A tous les âges de a Grèce, de l’expédition contre Troie à l’aventure d’Alexandre, en passant par les luttes entre Sparte et ses voisines et les guerres de Péloponnèse et de Sicile, dans toutes ses cités éparses, il est facile de retrouver cet esprit de guerre et de chicane qui donne à son histoire, revêtue de tant de splendeur par la fiction plastique et poétique, un caractère effroyable de férocité. Les horreurs de Byzance, l’orgie sadique de mutilation, de jeux sanglants, de poison et de luxure, ne sont que la forme sophistique et théologique, où a louche Asie domine, d’un état d’âme propre à une race dont les désirs troublés par l’histrion, le joaillier et le peintre, ont cessé d’être héroïsés par l’athlète, le poète et le sculpteur.