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à têtes nerveuses, hagardes, à naseaux battants, chiens grommelant qui tirent sur leur chaîne, lions hérissés, grands oiseaux traversés de flèches qui tombent entre les arbres. Là, il est incomparable, supérieur à tous avant et après lui, Égyptiens, Égéens, Grecs, Indous, Chinois. Japonais, imagiers gothiques, renaissants de France ou d’Italie. Il a surpris, sous les palmiers aux fruits rugueux, la bête au repos, le mufle appuyé sur ses pattes, digérant le sang qu’elle a bu. Il a vu la bête au combat, déchirant des chairs, ouvrant des ventres, enragée de faim et de colère. Les forces de l’instinct circulent avec une violence aveugle dans ces gros muscles contractés, ces chutes pesantes sur des proies, ces corps dressés debout, membres écartés, griffes ouvertes, ces mufles froncés, ces détentes irrésistibles, ces agonies aussi farouches que des élans ou des victoires. Jamais l’intransigeance descriptive n’ira plus loin. Ce lion vomit du sang parce qu’il a le poumon traversé d’une pique. Cette lionne en fureur, dents et griffes dehors, traîne vers le chasseur son corps paralysé parce que des flèches ont rompu sa moelle épinière. Morts, ils sont encore terribles, couchés sur le dos, avec leurs grosses pattes qui retombent. C’est le poème de la force, du meurtre et de la faim.

Même quand il renonce pour un jour à ses sujets de bataille ou de chasse, à ses orgies d’assassinat dans le concert horrible des clameurs de mort et des rugissements, le sculpteur assyrien continue ce poème.

Presque aussi bien que les sphinx des allées sacrées de l’Égypte, les monstres violents qui gardent les portes donnent cette impression d’unité animale qui fait rentrer dans l’ordre naturel les créations les plus étranges de notre imagination. Mais le statuaire de Ninive ne se contente pas de fixer une tête d’aigle à des épaules d’homme, une tête d’homme à une encolure de taureau. Le taureau, le lion, l’aigle, l’homme se mêlent, corps ou griffes de lion, pattes ou poitrail de taureau, ailes ou serres d’aigle, dure tête d’homme chevelue, barbue, avec la haute tiare. Homme, lion, aigle, taureau, toujours un être viable, d’harmonie brutale et tendue, qui remplit sa fonction symbolique et synthétise violemment