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Quand ils quitteront leur terre ardente pour descendre à la mer, ils ne verront que l’effort des rameurs, ils ne se pencheront sur les vagues que pour y découvrir des poissons saisis par des crabes. Rien de pareil à l’Égypte, si souvent réfugiée dans cette concentration d’esprit qui donne à son art tant d’intériorité et de mystère. Rien de pareil même à la Chaldée où se rencontrent parfois quelques profils de corps féminins furtivement caressés. Au milieu des guerres incessantes, des invasions, des ruines, des deuils, l’artiste n’a pas le temps de regarder en lui. Il sert le maître, et sans arrière-pensée. Il le suit dans ses expéditions militaires contre la Chaldée, contre l’Égypte, contre les Hittites, contre les tribus des hauts plateaux. A sa suite, il court l’onagre dans la plaine ou va chercher avec lui le lion dans les cavernes des Monts Zagros. Il mène une vie mouvementée, violente, pas du tout contemplative. Il la raconte avec brutalité.

L’art assyrien est d’une simplicité terrible. Bien qu’une silhouette presque plate, à peine ombrée d’ondulations, accuse seule la forme, cette forme éclate de vie, de mouvement, de force, de sauvage caractère. On dirait que le sculpteur parcourt avec la pointe d’un couteau le trajet des nerfs qui portent l’effort meurtrier dans les reins, les membres, les mâchoires. Les os, les muscles tendent la peau à la crever. Des mains étreignent des pattes, se crispent sur des cous, bandent des cordes d’arc, des dents déchirent, des griffes labourent, le sang gicle, poisseux et noir. Seul, le visage humain ne bouge pas. Jamais on ne voit sa surface s’éclairer de la sourde illumination des figures égyptiennes. Il est tout à fait extérieur, toujours pareil,, dur, fermé, très monotone, mais très caractérisé par ses yeux immenses, son nez busqué, sa bouche épaisse, son ensemble mort et cruel. Il convient que le roi dont la tête reste tiarée, les cheveux et la barbe huilés, parfumés, frisés, égorge ou étrangle avec calme le monstre ivre de fureur. Il convient que les détails de son costume, comme ceux de sa coiffure, soient décrits minutieusement. Le pauvre artiste a de pitoyables soucis. Il flatte son maître, orne ses habits, soigne