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corrode comme l’eau et finit par tout reprendre. Du positivisme assyro-chaldéen à l’idéalisme égyptien, on trouve l’écart qui sépare la consistance du granit de celle de la terre cuite. Entre le sol du pays et l’intelligence des hommes, il y eut toujours de ces accords profonds, qu’on trouve légitimes et nécessaires dès qu’on croit que l’esprit n’invente rien, découvre tout, qu’une matière qui dure doit lui donner l’idée de la durée, une matière qui s’effrite, l’idée de la fragilité et de l’utilisation pratique des armes qu’elle peut fournir, un ciel dont on a scruté les révolutions mathématiques, l’idée de consacrer les moyens précis qu’elle offre pour son aménagement.

C’est ainsi qu’a disparu jusqu’au squelette de ces villes monstrueuses qui abritèrent les peuples les plus actifs et les plus pratiques de l’ancien monde, au sens moderne du mot. Là où s’élevait Babylone, il n’y a rien que des palmeraies sur quelques vestiges d’enceintes autour desquels monte le sable. Pourtant, sur les deux rives de l’Euphrate, Babylone enfermait ses multitudes dans une ceinture de murs longue de vingt-cinq lieues, large de quatre-vingt-dix pieds, hérissée de deux cent cinquante tours, plaquée de portes de bronze. Bâtie de briques et de bitume, enceintes, palais, temples, maisons, dalles des rues, berges des canaux, citernes, ponts et quais du fleuve, uniforme et sourde et rousse, à peine tachée d’émail, la ville de Sémiramis élevait vers le ciel des édifices monotones, blocs à peu près fermés portant sur leurs terrasses des jardins, et pareils aux contreforts iraniens qui sont nus jusqu’aux plateaux frais où poussent les forêts et les fleurs. Plus haut que ces bois artificiels, des tours, faites d’étages entassés. Les plaines appellent des constructions géantes d’où l’on peut les découvrir au loin, les commander, et qui soient un infini comme elles. La tour de Babel ne devait jamais s’achever, et, comme pour explorer de plus près l’océan des étoiles, le temple de Baal montait à deux cents mètres.

La tour de Babel est maintenant une colline informe que le désert absorbe peu à peu. A part les cachets en pierre dure