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vement et sans lutter, ou de l’eau qu’elle ride en cercles égaux qui vont tous dans le même sens. L’artiste est une plante qui donne des fruits pareils à ceux des autres plantes mais aussi savoureux et aussi nourrissants. Et la convention que le dogme lui impose n’apparaît pas, parce que ce qui sort de son être est animé de la vie même de son être, sain et gonflé de sucs comme un produit du sol.

Ce qu’il conte, c’est sa vie même. Les ouvriers à la peau tannée, aux épaules musculeuses, aux bras nerveux, aux crânes durs, travaillent de bon cœur, et même quand le bâton parle, ils gardent leur douce figure, leur figure glabre à pommettes saillantes, et ce n’est pas sans une sorte de fraternelle ironie que l’artisan décorateur ou statuaire qui s’est représenté lui-même si souvent, les montre affairés à leur besogne, rameurs suant, bouchers coupant et sciant, maçons assemblant des briques de limon cuit, gardeurs de troupeaux conduisant leurs bêtes passives, accouchant les femelles, pêcheurs, chasseurs, valets de ferme goguenards soupesant les canards éperdus par la base des ailes, les lapins soubresautant par les oreilles, gavant les oies obèses, portant dans leurs bras des grues dont ils serrent le bec à pleine main pour les empêcher de crier. Tout est moutonnements, trots roulants et serrés, bêlements, meuglements, bruits d’ailes. Les bêtes domestiques, les bœufs, les ânes, les chiens, les chats ont leur allure massive ou paisible ou joyeuse ou souple, leurs ruminations infinies, leurs frissons de peau ou d’oreilles, leurs ondulations rampantes, leurs allongements de pattes silencieux et sûrs. Les panthères marchent sur du velours, tendant leur tête plate. Les canards et les oies boitillent, les becs spatulés fouillent en clapotant. Les poissons stupides bâillent dans les filets tendus, l’eau qui tremble est transparente et les femmes qui viennent la recueillir dans leurs jarres ou les animaux qui s’y plongent sont pénétrés de sa fraîcheur. Les oranges, les dattes pèsent dans les corbeilles soutenues par un bras aussi pur qu’une jeune tige, et balancées comme des fleurs. Les femmes, quand elles se parent ou mouillent leurs pinceaux fins pour farder leurs maî-