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lisme de la chaire. V. la partie encycl. Socialisme collectiviste. V. Collectivisme :

« Encycl. Pour les socialistes, ce qui constitue un progrès, ce n’est proprement ni une richesse ni une invention, ni une maxime, mais l’utilisation sociale qui est faite de ces choses ou, en d’autres termes, l’incorporation à la communauté des avantages qu’elles représentent.

En France, de 1750 à 1789, le socialisme s’élabore par les théories de la parcelle ; il se manifeste après la Révolution par la doctrine de Babeuf et la « conspiration » des Égaux ; il se retrouve au fond des doctrines de Saint-Simon (sans communisme, mais avec de l’étatisme), et de Fourier, (sans étatisme et, avec lui, appel à la coopération et aux syndicats). Puis il se fortifie, de 1830 à 1848, dans les sociétés secrètes et avec l’appui de Louis Blanc, Pecqueur, Cabet et Proudhon ; il se formule avec Karl Marx et le Manifeste des communistes, inspire l’Internationale ; enfin, il devient, à partir de 1870, l’objet des plus vives discussions au sein même du parti socialiste… etc., etc… »


En ce qui concerne le socialisme collectiviste, ces mêmes lignes, tirées de la même source, à titre documentaire : « Le socialisme collectiviste a été fréquemment en opposition avec le mutuellisme proudhonien, dont participent les syndicats et les entreprises coopératives. Cependant, les Bourses du Travail, qui caractérisent l’organisation ouvrière en France — comme les trade-unions en Angleterre et les coopératives en Belgique, comme la Confédération du Travail aux États-Unis — ont été considérées, après bien des conflits entre socialistes purs et syndiqués, comme pouvant devenir d’excellents moyens d’organisation socialiste et même de lutte de classes ; toutefois le mouvement syndicaliste et le mouvement socialiste sont loin de pouvoir être confondus. » (Dict. Larousse.) (Voir et comparer avec ce que publie sur ces mots notre Encyclopédie Anarchiste.)

Il semble indispensable de reproduire ici encore presque tout l’exposé du Dictionnaire Larousse sur la question qui détermine d’elle-même la théorie de la Socialisation ; car il est nécessaire de savoir d’abord comment les socialistes et tous nos adversaires bourgeois la conçoivent ou la comprennent.

D’après le Dictionnaire Larousse, le Communisme (mis au passé) était une « théorie sociale qui se proposait d’assurer le bonheur du genre humain par l’égale répartition des biens et des maux ». Et dans son Encyclopédie, le Larousse donne encore sur le mot communisme la définition que voici : « Tandis que le communisme moderne poursuit la transformation de toute propriété privée en propriété sociale, comme corollaire du collectivisme (voir ce mot), lequel vise la socialisation des moyens de production, de circulation, d’échange et de crédit, le communisme ancien voulait étendre ce principe aux objets, même de consommation (vêtements, meubles, aliments, etc.). Ainsi, du premier pas, apparaît son caractère utopique. Aussi bien ne compte-t-il plus que de rares adhérents, et il ne saurait avoir désormais qu’un intérêt historique, purement rétrospectif.

Quant à sa doctrine, la République de Platon dans l’antiquité, l’Utopie de Thomas Morus à l’aurore des temps modernes, la résument tout entière. Mais la première commence par proclamer la nécessité de l’esclavage, admis déjà et maintenu par Lycurgue comme base de sa république aristocratique et l’autre y conduit fatalement. En conséquence, toujours dans ses applications comme dans sa théorie, le communisme se heurte à des contradictions irréductibles, inhérentes tant à la nature des choses qu’à celle de l’humanité. » etc., etc…

Suivent des appréciations sur différentes expériences de communisme.

Le Dictionnaire Larousse s’étend sur le mot collectivisme, comme il s’étend sur le mot Socialisme : « Système philosophique et politique, qui voit la solution de la question sociale dans la mise en commun, aux mains et au profit de la collectivité, de tous les moyens de production : On peut dire que le collectivisme est le socialisme extrême. » (G. Platon). — Plusieurs disent aussi communisme (voir ce mot et socialisme. Dict. Larousse).

— « Encycl. Politique et Philos. Ce qui, pour les adeptes du collectivisme, caractérise la période capitaliste, c’est la concentration de plus en plus grande des moyens de production en un nombre de mains de plus en plus réduit. Le jour, donc, disent-ils, où, parallèlement à la concentration industrielle, commerciale et financière, actuellement sur le point d’être un fait accompli, se serait reconstituée la féodalité terrienne abolie par la Révolution, ce serait pour les spoliés, le retour au servage et même à l’esclavage antique. Cependant, le remède n’est pas, comme le voudraient plusieurs, dans l’intervention de l’État pour mettre ces moyens, fragmentés à l’infini, à la disposition des travailleurs. C’est un axiome d’économie politique qu’en produisant peu on produit mal et chèrement, que plus les opérations se font en grand, plus il y a de valeur dans les objets d’utilité, et moins ils coûtent » (A. Franck). Dès lors, en pleine période de production coopérative, avec tendance vers une centralisation toujours croissante des facteurs, vouloir ramener l’industrie moderne à la production isolée, serait faire un pur anachronisme. Et tel est, pourtant, le dilemme en présence duquel on se trouve : soit, pour sauver la liberté, maintenir ou préparer par des lois spéciales le morcellement de la propriété, et cela au profit de quelques citoyens peut-être, mais sûrement au préjudice de la nation, mise ainsi en état d’infériorité vis-à-vis des puissances rivales ; soit laisser s’accomplir la concentration en cours, et par là acheminer les masses à un asservissement définitif.

« Dans ces conditions, disent, après Karl Marx, les collectivistes, il n’y a qu’une manière de concilier tous les intérêts : c’est, en conservant à la propriété le caractère désormais collectif qu’elle a d’elle-même revêtu, d’étendre à tous les citoyens, à mesure des possibilités toutefois, et en les proclamant tous co-propriétaires par indivis, les avantages que comporte cet état de choses. Cela, d’ailleurs, à l’instar soit des services publics déjà organisés, soit des sociétés par actions où, de nos jours, chaque participant tire d’une propriété collective les bienfaits de la propriété individuelle. Et là seulement, suivant la doctrine qui nous occupe, est la solution à l’irréductible antinomie que de tout temps on a voulu voir entre l’individu et la société. Deux faits antagonistes dominent la politique humaine et la résument tout entière : les exigences sociales et les besoins individuels. Si donc, ces deux faits sont par leur opposition, la source de tous les bouleversements, il est clair que, de leur harmonie résulterait la pacification désirée. Mais là-aussi, par cela même qu’il est une synthèse, est la raison du double reproche — ses partisans disent « l’éloge » — adressé au collectivisme, tantôt de n’être, philosophiquement, que la forme extrême de l’individualisme, tantôt de sacrifier l’individu à la collectivité.

« Toutefois, si rigide paraisse-t-il, le principe ne laisse pas que d’admettre quelques exceptions. C’est ainsi qu’échappe à la socialisation collective la propriété véritablement individuelle, c’est-à-dire celle qui, mise en valeur directement par son détenteur, ne saurait mériter le nom de « capital », la caractéristique de celui-ci, dans la conception marxiste, étant l’exploitation