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puissent exploiter un domaine assez vaste. Chaque famille cultive son lot sans employer de main-d’œuvre salariée. Au moment de presse, les colons se prêtent mutuellement leur concours. La liberté d’organisation est absolue. Aussi trouve-t-on des colonies de type individualiste (celles fondées par Rotschild), des colonies de type communiste, et celles de type coopératif.

Comme colonie coopérative, citons Nahalal : elle est disposée de telle façon que les familles ont recours à des services collectifs, entre autres pour se procurer l’eau nécessaire. Il y a des associations pour la vente du tabac qui est un des grands produits de la Palestine, pour l’exécution de nombreux travaux : travaux de plantation, de drainage, d’irrigation, de construction de routes, etc.

Comme colonie où l’on pratique le communisme, la plus connue est Nuris. Tout s’y trouve en commun : travail des hommes et des femmes, habitation, table, enfants qui sont élevés par les soins de la colonie. La colonie pourvoit à tous les besoins. Sa production suffit presque à sa consommation et elle consomme tout ce qu’elle produit ; elle représente le type de la colonie à économie fermée qui se suffit à elle-même. Quand elle a besoin de l’extérieur, un de ses délégués se rend dans une succursale de la grande société coopérative de consommation de Palestine : « Hamashbir », y porte le produit de sa récolte, qu’on lui inscrit au crédit de la colonie, et on marque à son débit le montant des achats. A la fin de l’année, on envoie à la colonie un relevé de son compte-courant. Il existe une colonie où les vêtements même sont en commun. Les enfants y sont absolument en commun et n’appartiennent, en aucune façon, à leurs parents.

La colonisation juive présente des exemples d’énergie qui méritent d’attirer l’attention. On peut citer, entre autres, le défrichement de la vallée de Jezraë, lieu si malsain que toutes les tentatives de défrichement avaient échoué, et qu’il n’offrait, en 1920, qu’une perspective de tombes. De 1922 à 1923, de hardis pionniers accomplirent cette œuvre considérable d’assèchement des marais au prix de travaux pénibles.

Autre exemple d’énergie et de réalisation : l’édification de Tel Aviv — sur une plage aride — aujourd’hui, ville florissante, détenant quelques industries, une plage qui possède un sérieux avenir.

Contrairement à l’antique usage israélite qui maintient la femme dans une condition dépendante, les Sionistes ont voulu associer la femme à leurs travaux, lui assigner un rôle égal à celui de l’homme, dans l’œuvre de la reconstruction de la patrie. Pour rendre la femme, jusqu’alors maintenue dans l’ignorance, apte à ces fonctions nouvelles pour elle, il s’est créé une association universelle des femmes sionistes : Women’s International Zionist Organization, connue sous le nom de Wiso. Son but a été de former la femme juive à devenir une compagne, une mère, une valeur sociale.

On a créé à Nahalal, en 1926, une école d’agriculture pour jeunes filles, qui est en plein développement. D’autres écoles ont été fondées, parmi lesquelles des écoles d’art ménager.

Si le mouvement sioniste représente un élan enthousiaste pour la résurrection d’une nation détruite depuis des milliers d’années, au point de vue économique, il s’élève bien des obstacles à sa réussite. Les Juifs eux-mêmes, craignant qu’on ne les rejette des autres pays, s’il y a une terre proprement juive, opposent des résistances. Les Arabes ne sont pas disposés à céder leur place, d’où des heurts, qui peuvent dégénérer parfois en massacre entre Juifs et arabes (et même chrétiens indigènes). D’autre part, la superficie restreinte de la Palestine empêche l’expansion des colonies. Enfin, les colons ne se soutiennent que grâce aux subsides que leur fournissent les Juifs du monde entier. Ils manquent, par suite, d’indépendance.

On a trouvé récemment le moyen d’ouvrir de nouveaux débouchés aux colonies sionistes par l’exploitation des produits chimiques de la Mer Morte, et l’utilisation du Jourdain comme force motrice. Aussi, en examinant le pour et le contre, ne peut-on en rien se prononcer quant à l’avenir du Sionisme qui vient d’entrer dans une phase nouvelle par suite des persécutions moyenâgeuses dont les Israélites sont l’objet, actuellement, en Allemagne (1933). — E. A.


SNOBISME On appelle ainsi la pose, l’affectation ridicule, « l’admiration factice et sotte pour tout ce qui est en vogue ». Le snob est celui « qui juge tout sans connaître rien ». Ces définitions résultent de la double origine attribuée aux mots snobisme et snob. Elles sont anglaises. D’une part, snobisme qui s’écrivait plus exactement snobbisme il y a cent ans, viendrait de snobbish qui qualifie la vulgarité prétentieuse. Un snob, en anglais, est au sens propre un savetier, et au figuré un homme vulgaire et prétentieux. Le cordonnier qui critiquait systématiquement le peintre Apelle, et à qui celui-ci disait : « Pas plus haut que la chaussure », était un snob dans les deux sens du mot. D’autre part, snobisme et snob seraient les produits de filius nobilis dont l’abréviation a fait fil-nob et nobs, appellations données dans les collèges anglais aux fils des nobles. Ceux qui voulaient les imiter étaient les quasi-nobs ou snobs. Le snobisme est ainsi, comme conséquence des deux origines, l’affectation de connaître ce qu’on ignore et celle du genre noble. Celui qui prend le Pirée pour un homme en se donnant les airs d’un Richelieu est un snob. Il étale la double stupidité aristocratique qui consiste à se croire supérieur à tout et à prétendre tout savoir par droit de naissance.

Snobisme et snob sont entrés dans la littérature anglaise vers 1830. C’est Tackeray qui les a présentés dans sa revue humoristique intitulée The Snob, puis dans son Livre des Snobs où il a raillé la sottise aristocratique et surtout le cant, forme particulièrement anglaise de l’hypocrisie politique, religieuse et mondaine.

Le snobisme est la forme aristocratique, esthétique de la sottise en ce qu’il prétend non seulement régir la mode mais aussi le goût. Il n’est pas spécial aux monarchies. Il sévit aussi, avec encore plus de ridicule, dans les démocraties qui singent les monarchies, dont le gouvernement et « l’élite » ne sont pas composés des « meilleurs » mais, au contraire, des plus audacieux, des plus fourbes, des plus avilis. Le snobisme aristocratique a encore une certaine tenue en ce qu’il entretient la prééminence de valeurs intellectuelles et morales parfois respectables, mais le snobisme démocratique n’en a plus aucune. Il est le luxe des parvenus pour qui toute qualité n’est à considérer que suivant sa valeur argent. Le goût lui importe peu ; il ne voit que ce qui est cher. Aussi ne méprise-t-il la mode vulgaire, celle du bazar, du grand magasin, que parce qu’elle est à bon marché, à la portée de toutes les bourses. Sa vanité exhibitionniste ne trouve sa pleine satisfaction que dans le luxe coûteux. Il est sûr qu’il a du goût lorsqu’il a payé cher, de même qu’il est convaincu d’être honorable quand il peut fleurir sa boutonnière d’un machin rouge. M. Lechat ne douta plus qu’il fut un grand homme quand il eut payé 35.000 francs son portrait peint par Bonnat, et qu’ayant fait son légataire universel d’un ministre des Beaux-Arts, il eut l’assurance que ce portrait entrerait au Louvre, dut-on pour cela lui donner la place d’un Delacroix ou d’un Courbet.

Sous des formes diverses, des aspects différents, le snobisme est toujours la manifestation du besoin de paraître avec le plus d’éclat et le plus avantageusement possible par des apparences supérieures à celles de la simple mode. Le snobisme est l’aristocratie de la mode,