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eux également qui fournissent le plus grand nombre de morts par suicide.

L’hypothèse du contact fréquent des bouchers par des animaux contaminés étant susceptible de les exposer à une éventuelle contagion a été envisagée. Nous ne saurions nous y arrêter attendu que le personnel médical des établissements antituberculeux (médecins, infirmiers, etc…) gravement exposé lui aussi à la contamination par le bacille de Koch, n’enregistre, comparativement, qu’un chiffre de mortalité pour cause de tuberculose inférieur à la moyenne qui est de 320 sur 10.000 décédés alors qu’il atteint le taux impressionnant de 860 trépas sur 10.000 décès également, dans le monde de la boucherie. D’ailleurs, l’idée de contagiosité tuberculeuse s’effrite de jour en jour dans les sphères médicales parce que dénuée de fondement.

Ce bref exposé, limité volontairement à quelques types de phénomènes pathogéniques, démontre que le facteur alimentaire intervient puissamment dans l’action préparatoire des maladies lorsqu’il s’inspire de concepts erronés. Et que, malheureusement, il est à l’origine de la plupart, sinon de toutes les graves déficiences organiques, précédant les infections microbiennes et amicrobiennes. Conséquemment, il ne peut manquer d’avoir un inéluctable retentissement sur notre longévité.

Il n’était guère facile, il y a quelques années, d’apporter à ce sujet, des témoignages probants, caractéristiques, massifs, en raison de l’absence de documents précis et contrôlables. Aujourd’hui, nous n’avons plus rien à regretter sous ce rapport.

Au cours de l’année 1929, la presse française et mondiale fit état, dans ses colonnes, d’une sensationnelle statistique. Il venait d’être dénombré dans le petit État bulgare, le chiffre impressionnant et inégalé par aucune nation européenne d’importance cependant beaucoup plus élevée, de cent cinquante-huit centenaires, dont certains avaient, depuis plusieurs lustres, franchi le cap de la centaine. Quatre-vingt-quinze pour cent de ces centenaires, c’est-à-dire cent cinquante environ, n’avaient jamais mangé de viande au cours de leur existence ; trois pour cent en consommaient irrégulièrement ; deux pour cent en absorbaient quotidiennement. Désireuse de vérifier cette information pouvant paraître tendancieuse, la direction du journal Le Matin pria son collaborateur Henri de Korab d’aller enquêter sur place ; toutes les investigations auxquelles il se livra ne purent que confirmer les données de la dite statistique.

L’émoi causé par cette révélation était à peine calmé lorsque, en 1930, une autre nouvelle aussi sensationnelle était relatée par les journaux. On venait de découvrir dans le petit village de Cellio, situé dans le Piémont, l’existence de cinq centenaires et de trente-trois nonagénaires jouissant tous d’une magnifique santé. Intrigué à juste titre, le Dr Humberto Gabbi, membre du Sénat italien, enquêta sur les lieux et apprit ainsi que tous ces robustes vieillards n’avaient jamais absorbé ni viande, ni vin, ni fumé de tabac.

Si nous ajoutons, à titre de complément, que les détenteurs de la plus longue vieillesse tels que : de Cheikh Ibraïm et Hatham qui exploite encore une ferme en Haute-Égypte et qui accuse 157 ans d’âge ; Wa ho Gunta, chef de tribu indienne du Canada crédité de 149 ans d’existence ; de Don Joana, roi des Mousserouges qui vient de s’éteindre à l’âge de 162 ans à Santo Antonio de Zaïre (Afrique Occidentale Portugaise), etc… ; après avoir observé les uns et les autres la plus intégrale frugalité, doublée d’une irréductible sobriété, on conviendra que le régime dépourvu de viande et de boissons alcooliques n’a pas d’équivalent.

Ajoutons, avant de terminer ce chapitre que tout récemment des archéologues ont exhumé de leur tombeau de nombreuses momies égyptiennes ayant appar-

tenu à un peuple végétarien-crudivore dont toutes les dents étaient usées jusqu’au collet. De l’avis des anthropologistes qui les ont examiné, ces momies auraient dû vivre cent cinquante à deux cent ans pour aboutir à semblable usure.

Cette importante question étant élucidée, demandons-nous si le régime carné qui, par ailleurs, accumule tant de méfaits, n’offre pas en regard quelques compensations : l’octroi d’une puissance musculaire amplifiée, d’une résistance physique plus accusée, par exemple.

Malgré tous les travaux précis, établissant d’une façon irréfutable que les éléments ternaires et particulièrement les hydro-carbones sont pour l’être humain à peu près les uniques pourvoyeurs d’énergie thermodynamique, incalculable est encore le nombre de ceux qui persistent à attribuer à la chair des animaux toutes sortes de vertus énergétiques.

Or, la viande est un aliment essentiellement albumineux, privé absolument d’hydrates de carbone et généralement débarrassée en grande partie de sa graisse par ceux qui l’affectionnent. On imagine difficilement qu’elle puisse procurer au moteur humain la somme de combustible exigée pour son rendement maximum puisqu’elle en est dépourvue. C’est ce que les faits suivants vont démontrer surabondamment.

Il existe dans le langage courant une expression lapidaire pour évoquer la puissance physique de quelqu’un : on dit qu’il est fort comme un Turc. Cela résulte de ce que les portefaix de Constantinople, de Smyrne, etc., sont doués d’une vigueur extraordinaire et d’une résistance à la fatigue quasi-légendaire. Jusqu’à ces derniers temps, en Turquie, la plupart des transports urbains et suburbains s’effectuaient à dos d’homme. Aussi rencontrait-on communément de ces portefaix véhiculant sur leurs robustes épaules et sur des parcours étendus d’énormes fardeaux pesant parfois plus de 500 kilogrammes. Dioscaride, du Journal, eut l’occasion d’en croiser deux, il y a quelques années, gravissant la côte de Péra, à Constantinople, en chantant à gorge déployée, bien qu’étant lourdement chargés, l’un : d’un pesant piano ; l’autre : d’une volumineuse armoire pleine de linge. Leur nourriture ne se composait, semblable à celle de tous leurs compagnons, que de pain, d’oignons crus, de raisin, d’aqua simplex !

Le grand Darwin, lors d’un voyage qu’il effectua au Chili, fut stupéfait de voir avec quelle désinvolture les mineurs chiliens s’acquittaient de leur formidable tâche. Douze fois par jour ils remontaient du fond de la mine des blocs de minerai pesant cent kilogrammes au moyen d’échelles verticales mesurant soixante-dix mètres de haut. Leur régime habituel se composait de pain noir, de fèves cuites, de blé rôti, de figues, le tout arrosé d’eau pure.

C’est surtout au cours de la guerre Russo-Japonaise que le régime végétarien prouva sa supériorité. Les minuscules soldats nippons exclusivement alimentés de riz cuit à l’eau, dominèrent d’une écrasante façon, tant en vitesse de déplacement qu’en résistance physique, leurs corpulents adversaires, cependant confortablement nourris selon les principes erronés de la diététique orthodoxe. Pendant que les Russes franchissaient péniblement 25 kilomètres par jour, les troupes du Mikado parcouraient 45 kilomètres bien que lourdement équipées et en terrains difficilement praticables. C’est grâce à cette extrême mobilité, de l’avis des techniciens, que l’armée insulaire triompha d’une façon aussi complète des légions moscovites. (Mémoires de Ludovic Naudeau sur le conflit Russo-Japonais).

Si nous tirons les enseignements que comporte l’ouvrage de l’Américain Irwing Haucock, Le Jiu Jitsu, nous constatons qu’il ne fait que corroborer la documentation précitée. Pratiquant des sports athlétiques et ayant passé une partie de son existence au Japon,