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contingents cellulaires nobles que, devenus impuissants à satisfaire à la complexité des exigences organiques, apparaissent les symptômes liminaires des morbidités latentes préludant à d’éventuels accidents pathogéniques d’une gravité plus accentuée.

Nous sommes déjà informés, par ce qui précède, que la désintégration d’origine hépatique des substances albumineuses que nous ingérons aboutit invariablement et définitivement, après un processus régulier, à de l’urée et de l’acide urique. Avec une alimentation hypo-albumineuse, c’est-à-dire rationnellement végétarienne, le taux urique et uréique du sang demeure normal. Leur élimination par le truchement de nos émonctoires s’effectue sans surmenage ni difficulté. Il n’en est plus de même lorsque nous introduisons dans notre ration une notable portion de viande, aliment essentiellement hyper-azoté. Les quantités d’acide urique et d’urée proportionnées à la somme de cette denrée ingérée se trouvent ainsi accrues dans le torrent sanguin, leur causticité ira parfaire l’œuvre funeste ébauchée par les toxines d’apports, tout le long du réseau musculaire, jusque dans les moindres parties interstitielles avant qu’une opportune et laborieuse expulsion ne réduise leur ténacité. C’est ce que l’analyse met en lumière en révélant que le sang charrie des masses d’acides résiduels allant presque du simple au double, selon que l’alimentation comporte peu ou beaucoup de protéiques.

Malheureusement, les méfaits du carnivorisme ne s’arrêtent pas là. Il en a d’autres à son actif.

Metchnikof fut parmi les premiers à signaler les dangers résultant des fermentations anormales et excessives ayant pour siège l’intestin. La plus élémentaire méthode de la logique consistait, en l’occurrence, à déceler les causes de ces anomalies et s’attaquer à elles afin de neutraliser leurs effets. Plus simpliste, la médecine s’est efforcée de réduire ces derniers par une vaine asepsie intestinale appropriée, mais inopérante et dangereuse, tout en laissant subsister les véritables raisons C’est ce que démontrèrent deux physiologistes, Gilbert et Dominici, dans un rapport présenté à la Société de Biologie de Paris, lequel établissait le rôle perturbateur de l’aliment carné, Ayant soumis un individu au régime végétarien et analysé son contenu intestinal, ils trouvèrent 1.500 bactéries seulement par milligramme de matière examinée. Une analyse ultérieure, après qu’il eut été astreint, plusieurs jours consécutifs, à une alimentation carnée, décela 65.000 bactéries par égale quantité de substance fécale traitée. Il est facile de concevoir à quelles interminables épreuves est exposé un tube digestif infesté de micro-organismes plus ou moins corrupteurs, apparemment inoffensifs tant que la muqueuse intestinale triomphe de l’action corrosive de leurs sécrétions virulentes, Mais son invulnérabilité n’étant pas éternelle, les misères physiologiques apparaissent tôt ou tard au premier plan desquelles figurent : appendicites, entérites aiguës ou chroniques, entéro-colites, atonie, occlusions, ptoses, stases, atrophie on hypertrophie, etc…

L’extrême toxicité du régime carné est attestée d’ailleurs, par l’expérience de la fistule d’Eck, dont la description détaillée figure dans le traité de physiologie d’Artus. Si l’on supprime chez le chien, animal carnassier, la fonction du foie par le raccordement de la veine-porte à la veine sus-hépatique, il succombe rapidement, après avoir présenté tous les symptômes de l’empoisonnement, lorsqu’il est alimenté de viande. Il continue à survivre, malgré cette amputation, lorsqu’il est nourri de pâtée lacto-végétarienne.

Cette haute toxicité consécutive à l’alimentation incendiaire adoptée aujourd’hui par toutes les classes de la société et pratiquée depuis un demi-siècle, avec crescendo marqué, par une majorité, ne peut manquer d’avoir de graves et regrettables retentissement sur

l’état sanitaire général. Nous l’avons exprimé par ailleurs (voir Santé), si les fléaux épidémiques ont marqué un notable recul, les affections chroniques et aigües, dites infectieuses, ont, au contraire, enregistré des progrès tels qu’il serait malséant de le contester.

A quoi devons-nous imputer cette malfaisante recrudescence ? Certainement pas à l’hygiène qui a marché, malgré son insuffisance, à pas de géants. Pas plus que la réduction des heures de travail ni au développement du machinisme industriel et agricole, qui ont réduit singulièrement le surmenage. Pas davantage à la multiplication des maisonnettes pimpantes, et de conception plus rationnelle, qui ont vaincu de nombreux taudis ! Nous devons donc admettre, bon gré mal gré, que c’est au changement des mœurs culinaires (qui, de simples et sobres qu’elles étaient autrefois pour la majorité du peuple, sont devenues dangereusement compliquées) que nous devons faire grief de cet inquiétant accroissement. de la morbidité.

Le problème de la recherche des causes n’a jamais été abordé dans le sens désirable, ni envisagé d’un plan supérieur par l’ensemble du corps médical qui s’obstine à la chimérique poursuite de la gente microbienne considérée comme étant exclusivement fautive, alors qu’elle ne constitue qu’un pâle accessoire. Cette idée a cependant hanté suffisamment quelques chercheurs pour les inciter à des investigations dans ce sens. Rompant avec la traditionnelle routine, deux médecins français, Lucas Championnière, de l’Académie des Sciences, et Robin, de l’Académie de Médecine, entreprirent, de concert, une enquête de style mondial qui aboutit à cette conclusion que, seuls, les peuples carnivores étaient la proie de l’appendicite. Fait particulièrement typique, les membres des communautés religieuses astreints au régime végétarien par leurs règles monacales, se trouvant enclavées au milieu des cités carnophyles où sévit cette maladie aujourd’hui si répandue, jouissent, à cet égard, d’une absolue immunité. Cette constatation fit, à l’époque, l’objet d’un sensationnel communiqué à l’Académie de Médecine.

Le branle était donné. Malgré l’étrange et inexplicable inertie de la Faculté, se refusant obstinément à suivre la voie que venait de tracer deux de ses plus illustres représentants, d’autres médecins « dissidents », soucieux de l’intérêt public, s’y engagèrent résolument. Le Docteur Simionesco est de ceux-là. Ses travaux sur la tuberculose et surtout sur le cancer le situent parmi les étoiles de première grandeur scintillant au firmament médical. Directeur du Dispensaire Marie de Roumanie, secrétaire de la Ligue Internationale contre le Cancer et la Tuberculose, il est. en relation constante avec tous les organismes mondiaux que préoccupe cette lugubre dualité, et se trouve particulièrement bien situé pour traiter ce sujet. Voici l’opinion qu’il exprima à propos du cancer :

« Une longue enquête, dit-il, et de nombreux exemples, me permettent, en effet., de penser que l’alimentation joue un rôle considérable dans la propagation du cancer. Savez-vous les pays où il y a le plus de cancéreux ? C’est l’Amérique du Nord. Nous a-t-on cependant assez vanté l’hygiène des États-Unis ! Pas une maison où il n’y ait une salle de bains, partout le confort, les jeux de plein air, etc… Mais les États-Unis sont le pays où l’on consomme le plus de conserves et de viande. Or, les conserves, au cours des préparations qu’elles subissent, perdent leurs vitamines et 1eurs diastases, et le manque de ces substances est. justement l’une des causes prépondérantes du cancer. La viande, d’autre part, est un aliment fortement azoté et les cellules cancéreuses prolifèrent par surabondance d’azote. J’ai fait une enquête dans les pays où l’on ne mange pas de conserves et où l’on consomme très peu de viande et je n’ai pas trouvé de cancéreux. Cela m’a amené à constater à la suite du reste de nombreuses expériences que c’est