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À titre d’exemple, citons, à Paris, la rue St-Jacques conduisant d’abord à Orléans ; cette ancienne voie romaine, qui a été un lieu de passage constant, de circulation intense, en continuité directe de la rue St-Martin actuelle sur l’autre rive. Ce fut la voie du sud au nord ; puis, formant « la croisée de Paris » avec les rues de Rivoli, St-Antoine actuelles en direction ouest-est (anciennes voies Romaines également). Cette croisée, au point d’intersection, devenant le centre vivant et actif de Paris pendant de nombreux siècles soit le port de Paris à proximité de l’actuel Hôtel de Ville, les Halles toujours au même emplacement ; le commerce au pourtour de l’Ancien Châtelet ; et le centre administratif et religieux à proximité, dans la Cité, avec son Palais des Rois d’abord, le siège des Parlements ensuite, et sa Cathédrale, ses ponts : Pont au Change, Pont Notre-Dame, avec leur activité commerciale considérable et tout cela provoqué dans la ville, par le fleuve et l’intersection des voies de passage.

Au point de vue des influences que nous avons indiquées sur le développement des « villes », citons encore la lutte économique entre Venise et Amalfi au moyen âge, ou Gênes, Pise, Florence, villes riches, puissantes, du fait de leur situation géographique qui, à cette époque, facilitait leur commerce avec l’Orient ; et, de ce fait, elles devinrent un centre de rayonnement important au point de vue artistique et jouèrent un rôle de premier plan dans les manifestations de la Renaissance Italienne.

Progressivement, la vie économique va s’affirmer, se développer dans les régions de l’Europe du Nord. Les Flandres vont dominer les « villes » du Midi ; c’est que le centre d’activité se déplace peu à peu, — de la Méditerranée vers l’Atlantique et les mers du Nord, — du fait précisément de la navigation. Les « cités » des Flandres, à leur tour, vont acquérir une richesse immense ; c’est là que vont maintenant se concentrer foires, marchés, centres d’échanges, ventes de produits provenant de tous pays.

L’Angleterre, qui acquerra une prépondérance sur les mers, vient s’y approvisionner et, à la faveur de ce mouvement, nous voyons des « villes » qui s’affirment commercialement, s’organisent suivant les nécessités urbaines du moment : Bruges, Gand, etc… ; les routes s’améliorent et, suivant le rythme indiqué, facilitent toujours la création de « cités nouvelles ». Les transports étant faits par mer, par rivière et par terre, se développent et des régions antérieurement isolées, comme l’Amérique du Nord, vont devenir, grâce aux transports par mer considérablement intensifiés, des centres de nouvelles activités.

En ce qui concerne les régions du Nord et de l’Est de l’Europe, une organisation d’intérêts va manifester sa puissance, du moyen âge à la Renaissance (XII- siècle au XVIe siècle) ; cette organisation de « villes » et de ports marchands dite ligue « Hanséatique », va grouper ces « villes et ports » en une fédération privilégiée et autoritaire, afin de conserver l’ensemble des avantages commerciaux considérables en ces régions ; nous voyons encore là, sur le développement des « cités », l’influence du lieu géographique, déterminant, pendant un certain temps, leur vie économique.

À la faveur de cette stabilité relative du groupe humain dans « la Cité », des idées religieuses et politiques s’affirment. Au moyen âge, nous voyons surgir des abbayes, qui vont devenir souvent des centres attractifs de population, grâce aux avantages matériels, aux privilèges acquis par les artisans, acceptant de vivre sous la dépendance de certains ordres religieux : Templiers, Abbaye St-Antoine, St-Germain-des-Prés, à Paris. Ces agglomérations de métiers, ébénistes ou autres, vont constituer une agglomération à la base d’un futur quartier de la « Grande Ville ». Il y a là un enchaîne-

ment de forces et de formes, dépendant des premiers éléments constitutifs dont nous avons parlé.

Sur les routes, vont s’échelonner, aux mêmes époques, des pèlerinages. Au titre documentaire et anecdotique, signalons ceux de « St-Jacques de Compostelle » (Espagne) ; les pèlerins passant par Paris vont donner ce nom à l’église de St-Jacques-la-Boucherie — futur quartier important de Paris — couvent des Jacobins, Rue St-Jacques. Ces pèlerins utilisent la vieille voie romaine déjà citée. La ville persiste dans sa formation de voies rationnelles.

Les pèlerinages ont contribué, grâce à ces voies, à créer des « centres d’activité » qui sont des sortes de gîtes d’étape au début ; ces points d’arrêt vont s’améliorer, se transformer et devenir des « villes » : St-Denis, Étampes, Orléans, Clermont-Ferrand, Le Puy, Montpellier, etc…

Si nous examinons certaines tendances d’urbanisme, dans le passé Français, nous voyons, au XVIIe siècle, la création, à Paris, de grandes places destinées à glorifier « le Roi ». C’est une survivance de Rome ; nous avons la Place Royale, actuellement place des Vosges, datant de Henri IV, et de Louis XIII ; puis la place Vendôme qui glorifiait Louis XIV ; la place des Victoires, créée par La Feuillade, un courtisan de ce même Roi. Citons également, à Charleville (Ardennes), la place Ducale, de même caractère que celle de la place des Vosges et qui fut le centre de transformation de cette Cité.

C’est la ville partiellement créée par la volonté des puissants du moment, mais cette création ou cette transformation ne sont que les conséquences des nécessités économiques ou politiques du temps, la première dominant considérablement. À Paris, ces places centrales sont les résultats d’une vie nouvelle qui s’affirme ; elles ont été importantes par leur situation dans la ville.

Place Royale, au XVIIe siècle, centre de noblesse, de haute magistrature et de grande bourgeoisie. Place formant le jardin intérieur du Palais-Royal avec une animation extraordinaire au XVIIIe siècle ; centre de commerces, d’attractions.

Place Dauphine, du XVIIe siècle, avec ses maisons de style uniforme, à proximité du Pont Neuf également si animé à cette époque ; tous ces centres ont perdu leur caractère du temps, ils ne sont que des décors plus ou moins somptueux, évoquant des souvenirs ! La vie active à « l’intérieur de la ville » comme à l’extérieur s’est déplacée.

C’est le règne des routes, dont nous avons parlé pour Paris, qui fait que la rive droite et la rive gauche vont avoir leur caractère propre, la rive droite conservant sa vie commerciale et la rive gauche sa vie universitaire, et cette empreinte est tellement forte dès le moyen âge que ce fait matériel et moral subsiste encore dans une large mesure à notre époque.

Et si nous avions le temps de déterminer dans le détail le rôle de chacune de ces « régions parisiennes », nous trouverions encore l’influence géographique avec ce facteur prédominant : la Seine et l’importance du site, du sous-sol, etc…

D’autres « villes » sont devenues à un moment de leur.histoire, un centre important stratégique à cause de leur situation géographique : Besançon, par exemple, et dans la plupart des cas, leur développement s’est arrêté lorsque leur rôle stratégique s’est terminé.

Un exemple, pris parmi les plus caractéristiques au point de vue de l’influence géographique et autres déjà citées, c’est la raison d’être de « Paris Capitale ». Deux thèses continuent à s’affronter, savoir : la Capitale est née en ce point du fait de la présence à peu près permanente du « Prince », autrement dit du Roi, qui a voulu que Paris soit Capitale du Royaume ; ou bien Paris est devenue Capitale parce que ses situations géographique, économique, géologique, stratégique, etc…, ont