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mation et de la reconstruction des villes ; idée avec réalisations partielles qui ont permis de discuter et de fixer des théories au point de vue de l’urbanisme moderne, de défendre des principes et d’établir des programmes. Il existe maintenant à ce sujet une littérature assez considérable, des cours sur l’urbanisme sont organisés, des écoles sont créées. Le fait de poser ce problème de l’extension des villes, d’en étudier les diverses modalités, de voir, en somme, plus loin que le cadre de la vie du moment d’une cité, d’en prévoir, au mieux, ses agrandissements futurs, de déterminer la concordance des routes, l’utilisation des terrains, de situer les centres collectifs : écoles, marchés, etc…, constitue un progrès réel. L’urbanisme a également, au point de vue moral, un effet bienfaisant ; il prépare à la solidarité entre l’ensemble des villes ; il brise peu à peu la vieille borne régionale ou citadine par la route, l’électricité, l’hygiène sociale, le transport, etc… La nécessité où l’on se trouvera de plus en plus, dans un ensemble de régions et de pays, d’établir une commission d’intérêts, de créer ou même de transformer, d’aménager une cité en fonction de ce que la cité voisine pourra lui fournir en éléments matériels et intellectuels, aura pour conséquence d’amener impérieusement une vie solidaire effective entre chacune d’elles.

Il est intéressant de fixer, dans l’ensemble, comment se sont constituées les cités à l’origine des temps, quels sont les éléments matériels et moraux qui ont contribué à leur formation et à leur développement ? Ont-elles dépendu, à ce point de vue, de la volonté des hommes, ou ont-elles été surtout le résultat, au départ, de conditions géographiques, géologiques et économiques : climat, sous-sol, sol fertile, rivières, forêts, pêches, chasses, facilités de communications par des accès de routes naturelles, points stratégiques de protection, collines ? etc… Il est incontestable que ce sont ces éléments matériels qui, au début, ont déterminé le séjour des hommes. Il fut un temps où l’on assignait le point d’origine de la cité par le fait d’un acte religieux exclusivement — et l’on sait, à notre époque, que les possibilités matérielles de vivre ont seules fixé l’habitat. — Nous trouvons toujours, à la base de la formation des grands centres, un élément d’ordre géographique, la mer, le fleuve et la route naturelle qui deviendra, plus tard, la route construite par les hommes, puis le site, son climat. (Voir Habitation.)

Il est possible qu’ensuite le rôle religieux, politique, intensifie pendant un certain temps le développement de la cité, mais c’est, au début de sa formation, le fait géographique et économique qui agit vraiment sous la forme de centre de ravitaillement, avec des possibilités d’échanges ; plus tard, les foires, ces centres d’approvisionnement temporaires, sortes d’immenses marchés, auront leur rôle dans la modification des routes, elles contribueront à perfectionner les grandes voies, car les nomades auront besoin de ces moyens de communication, et ces voies faciliteront à leur tour la création de villages, de bourgs, de cités.

C’est par l’étude de la détermination de la valeur « homme », par rapport où il vit, que nous pouvons fixer les lois de la naissance et du développement des villes. La géographie n’est plus, à notre époque, une simple description des régions avec leur valeur propre, elle est devenue un élément de comparaison et d’étude de l’influence de ces régions sur l’individu. Or, cette détermination est importante, car l’homme au début ne vit pas où il veut, mais où il peut ! Il ne crée pas une cité où sa fantaisie le conduit, mais où il croit qu’il peut subsister. Les pôles, les régions tropicales, les déserts, refusent, en général, aux collectivités importantes la possibilité de vivre.

Il est nécessaire que nous examinions succinctement les périodes les plus reculées de l’histoire, car la formation des cités et leur organisation dépendent de l’en-

semble des problèmes humains : la cité est évidemment fonction de tous les éléments qui ont contribué à former géographiquement, économiquement, une vaste région du territoire.

Nous savons qu’à la toute première période des temps préhistoriques les peuples, en nos régions, sont nomades ; ils vivent de chasses et de pêches, ils s’abritent dans des huttes d’abord, des cavernes ensuite, ils ignorent l’agriculture ! Au contraire, à la seconde période, ils connaissent les céréales, ils deviennent sédentaires dans l’ensemble ; les agglomérations se constituent ; donc, influence de cette découverte de l’agriculture sur la vie collective des peuples. Mais voici de nouvelles richesses naturelles : les métaux, le cuivre, l’étain, qui vont faire l’objet de transactions, d’échange ; c’est l’origine du commerce avec la création des « étapes » pour faciliter ces échanges. Nous retrouvons toujours les mêmes éléments d’influence dans la formation des agglomérations, petites ou grandes : la vie géographique, économique.

Afin de situer, par un exemple les régions ou pays qui ont subi au point de vue de leur développement l’influence géographique, signalons la très ancienne Égypte qui, à cause de ses protections naturelles, la mer au nord et le désert à l’est, au sud et à l’ouest, s’est développée pendant de longues périodes, sans grande influence de l’extérieur ; elle a vécu sur elle-même, grâce surtout à son fleuve, le Nil, sans apport d’aucune sorte, n’ayant subi aucune grande invasion. Elle a conservé un caractère propre. Mais plus tard, les autres peuples méditerranéens vont, au contraire, grâce à la navigation, prendre contact entre eux, ils vont bénéficier de la situation géographique de leur pays respectif et des progrès des uns et des autres. La Méditerranée a été, à ce moment, le centre d’une formidable activité, circulation entre le bassin oriental et le bassin occidental, des « villes » d’échange exercent un rôle considérable : Tyr, Sidon, villes des Phéniciens — ce grand peuple intermédiaire — qui ont une action de premier plan au point de vue des échanges matériels et intellectuels.

La mer ne va plus être un obstacle entre les peuples mais un moyen de rapprochement, grâce aux « villes maritimes » ; d’autres cités vont être créées : Carthage, Syracuse, Marseille, etc., etc… La mer va provoquer un immense courant civilisateur.

Puis, nous voyons, plus près de nous, le rôle joué sur le développement des villes par « les fleuves », le Rhône, la Saône, la Seine, la Loire qui, pendant de longues périodes, vont permettre une communication entre la Méditerranée, l’Atlantique, la Mer du Nord.

A l’époque Gallo-Romaine, à la faveur des échanges commerciaux, « les routes » vont avoir une importance réelle. Les marchands ou nomades, qui connaissent parfaitement toutes les régions celtiques, vont renseigner César sur la situation et l’importance des « Cités gauloises ».

Lyon va devenir à ce moment une ville de premier ordre parce qu’elle est au confluent du Rhône et de la Saône ; elle commande, vers le Sud, la vallée du Rhône, elle a l’avantage d’être au Nord en contact avec les vallées de la Loire et de la Seine, puis avec la vallée du Rhin : ville des carrefours ; et c’est la raison pour laquelle elle va devenir sous les Romains une ville impériale et la capitale politique des Gaules. Elle va se situer au point de départ des grandes routes Romaines, ces fameuses voies si parfaitement construites, qui ont contribué à la formation de villes nouvelles ; leur rôle est important à tous les points de vue, car elles n’ont pas été tracées au hasard par les Romains qui ont tenu compte des situations géographiques, économiques et politiques des régions. Ces routes ont subsisté pendant de longs siècles, sinon dans leur forme primitive, du moins dans leur direction, leur orientation et leur utilisation.