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mettre. Mais un certain nombre de prêtres et de laïques, allemands et suisses, refusèrent obstinément d’admettre la croyance à l’infaillibilité personnelle du pape. Parmi eux se trouvait le chanoine Dœllinger, un érudit universellement connu. La secte des Vieux-Catholiques qu’ils constituèrent ne fut jamais bien importante ; elle végéta péniblement. En France, un célèbre prédicateur, le carme déchaussé Hyacinthe Loyson essaya vainement de fonder une Église schismatique. Il se maria en 1872, eut de nombreux enfants et mourut en 1912, à un âge très avancé, sans jamais réclamer un pardon que Rome lui aurait accordé avec joie. — L. Barbedette.


UNITÉ n. f. Dans la société capitaliste et hiérarchique, ou appelle improprement « unités » des accords particuliers, sur des fins communes à des groupements quelconques. Mais, ces soi-disant unités, généralement sectaires et partiales — et même contradictoires entre elles — aboutissent tôt ou tard, sauf de rares exceptions, à des conflits, des scissions pénibles, et à des oppositions farouchement hostiles. On sait, d’ailleurs, que toute organisation comportant le privilège de fonction est injuste, antiunitaire.

Très différente est l’unité anarchiste fondée sur l’amour pur de la vie libre, heureuse et sûre, et dont l’idéal est succinctement indiqué dans sa devise : « Instaurer un milieu social qui assure à chaque individu le maximum de bien-être et de liberté adéquat à chaque époque. »

Un tel idéal implique évidemment une morale qui le justifie. Morale de juste réciprocité que nous trouvons dans le vieil et double aphorisme suivant : Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît ; mais agis toujours envers les autres comme tu voudrais qu’on agît à ton égard en d’identiques circonstances. (En supposant, bien entendu, une connaissance suffisante du bien contemporain.)

Ce juste précepte rencontre pourtant de nombreuses transgressions, conséquences sociales ou inconsciences regrettables et illogiques contradictions. Quoi qu’il en soit, c’est cet aphorisme moral qui constitue le critérium unitaire fondamental, puisque toute dérogation à son principe est absolument incompatible avec l’unité sympathique. Mais l’expérience nous apprend à dépasser les limites d’égale réciprocité, et à ne rien demander au-dessus des facultés personnelles, si l’on veut contribuer à la vivante et salutaire unité. Il est, en effet, nécessaire que le fort, le mieux doué, œuvre généreusement pour le faible ; et il est clair que tous ceux et celles qui manifestent de telles dispositions, forment en tout temps et tout lieu, la meilleure élite.

Malgré certaines affirmations erronées — et quoi qu’elle évolue par les connaissances acquises — l’unité dépend toujours plus du vouloir que du savoir, car l’aveuglante vanité est commune, même chez les savants. Si la base unitaire est sentimentale, sa cause immédiate et effective résulte partout de besoins communs, entretenus ou modifiés par des tendances et connaissances partagées.

La trilogie de l’unité, profondément égalitaire et libertaire, est : l’amour orientateur, la science révélatrice et le travail producteur. Cette unité concerne tous les égoïsmes normaux et conséquents du monde civilisable. Sa hiérarchie naturelle et toute effective ne saurait engendrer aucune dépendance artificielle, aucune autorité. Elle est, dans tous les domaines, une libre manifestation de la vie individuelle et collective, exempte d’uniformité mesquine, dogmatique, vicieuse et funeste,

L’unité anarchiste vitale n’est point un accord relatif et temporaire, mais une harmonie permanente à tendances générales et progressives, toujours corrélative au temps et aux moyens. Elle est, enfin, la synthèse de l’amour éclairé, idéalement absolu, mais effective-

ment}} relatif et conditionnel. Son élément demeure constamment individuel et sympathique, sollicitant tous les bons sentiments et toutes les connaissances utiles au bonheur, à la sécurité, à la paix mondiale. — A. Mauzé.

UNITÉ (prolétarienne). Au moment où la reconstitution de l’unité syndicale entre dans sa phase finale, il est tout naturel de traiter cette question dans notre Encyclopédie.

C’est non seulement naturel, mais c’est indispensable, parce que l’histoire de l’unité est aussi celle de la scission et qu’elle n’est encore connue que de quelques initiés qui, par leurs fonctions, ont été appelés à vivre vraiment les événements qui se sont déroulés le plus souvent dans la coulisse et sont restés, par conséquent, totalement inconnus des masses travailleuses bernées.

Ma qualité de secrétaire général du Comité Central des Comités Syndicalistes Révolutionnaires, puis de secrétaire adjoint du même Comité, ma participation active aux travaux de la Commission Administrative de la C.G.T.U., ma désignation au poste de secrétaire général du Comité de Défense Syndicaliste et à celui de secrétaire de l’Union Fédérative des Syndicats Autonomes de France, m’ont permis de suivre pas à pas les évènements qui se sont déroulés de 1920 jusqu’en 1926, époque de la constitution de la Confédération Générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire.

Et, depuis le 15 novembre 1926, je suis avec attention, de très près, au sein de la C. A. de la C.G.T.S.R., les tractations et pourparlers auxquels l’unité syndicale a donné lieu.

Avant d’aller plus loin et de faire l’exposé historique de la question, deux constatations s’imposent, ce sont celles-ci :

L’unité, comme la scission, sera l’œuvre des partis politiques ;

Une unité de cet ordre restera précaire aussi longtemps que le mouvement syndical sera incapable de s’opposer à l’action dissolvante des partis ; aussi longtemps que la notion de parti primera, dans l’esprit des travailleurs, la lutte de classe ; jusqu’à ce que le réel prenne le pas sur l’artificiel.

Répéter que la scission est l’œuvre des partis politiques et de leurs représentants au sein du mouvement syndical, c’est exprimer une vérité devenue banale. Il faut, cependant, le dire, l’affirmer ici avec d’autant plus de force que les partis (socialiste et communiste) prétendent être les champions incontestés de l’unité. Il faut le proclamer parce qu’en réalisant cette unité, sur le terrain politique et économique, ces partis n’ont en vue que de servir leurs intérêts, à l’exclusion de ceux des travailleurs.

En faisant alternativement, selon les exigences de leur politique, la scission ou l’unité, en soufflant ainsi le froid et le chaud, les partis dits ouvriers ont fait la démonstration éclatante qu’ils n’avaient aucun souci des intérêts de la classe ouvrière. Aussi, si je me refuse à mettre à leur actif la reconstitution d’une unité dont ils escomptent le bénéfice exclusif, j’inscris carrément à leur passif la scission qui a réduit, pendant quinze ans, le prolétariat de tous les pays à l’impuissance, favorisé l’accession au pouvoir du fascisme dans la plus grande partie des pays de l’Europe. Et je demande aux travailleurs de ne jamais oublier ces pages sombres de leur Histoire.

Je leur demande également, s’ils réalisent, comme tout l’indique, l’unité syndicale, de ne plus la laisser briser, sous quelque prétexte que ce soit et, pour cela, d’affirmer la maîtrise totale de leur mouvement, dans une indépendance absolue et définitive.

Examinons, maintenant, quand, comment et pour quelles raisons la scission s’est produite.