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des infections et des morts jusqu’à présent énigmatiques, comme aussi ce syndrome de dénutrition progressive qui n’est point rare chez les nouveau-nés dont les parents étaient tuberculeux.

C’est dans les ganglions trachéo-bronchiques et médiastinaux que l’ultravirus se localise de préférence ; il s’y transforme en bacilles de Koch. Mais ces derniers ne deviennent virulents et ne déterminent de lésions que s’il y a successivement plusieurs passages ou réinoculations. Une mort rapide peut néanmoins survenir par toxémie. A la suite de ces découvertes, Calmette proposa de distinguer, en matière de tuberculose : 1° la granulémie prébacillaire, caractérisée par l’absence de bacilles de Koch mais avec production par l’ultravirus d’affections généralement aiguës ; 2° la granulie où quelques bacilles normaux sont associés au virus filtrant ; 3° la bacillose ou tuberculose classique, caractérisée par la présence de nombreux bacilles acido-résistants. Il est à prévoir que des recherches plus approfondies modifieront encore les conceptions actuelles ; en médecine, comme dans les autres branches de la science expérimentale, les théories changent fréquemment. Du moins les faits demeurent, et nos hypothèses successives sont elles-mêmes des approximations qui ne sont point dépourvues de mérite.

La tuberculose peut atteindre tous les organes, en particulier la peau, les méninges, la langue, le larynx, les os et les articulations, les intestins, les reins ; mais la tuberculose pulmonaire est l’infection la plus fréquente, et c’est elle que nous étudierons ici d’une façon exclusive. Sur ce sujet, il existe d’ailleurs une littérature abondante ; nous n’entreprendrons pas de la résumer. Nous voulons seulement donner quelques indications générales qui ne peuvent ni remplacer un examen médical approfondi, lorsqu’on craint d’être tuberculeux, ni dispenser de la lecture des ouvrages spéciaux traitant de cette redoutable maladie.

Au début, des symptômes généraux, comme l’élévation thermique (38°7), le soir ou après un effort physique, une marche par exemple, doivent retenir l’attention. L’amaigrissement est assez habituel ; néanmoins il existe des tuberculeux obèses et joufflus. Dépression physique et morale, pâleur du teint, excrétion de phosphates en excès par les urines constituent des signes importants. Parmi les symptômes fonctionnels, mentionnons une toux quinteuse et souvent matinale, la dyspnée et les points de côté, les hémoptysies passagères, la tachycardie et l’hypotension, des troubles digestifs et ici perte de l’appétit. Étroitesse et aplatissement du thorax, submatité du sommet à la percussion, accroissement des vibrations à la palpation constituent, en outre, des signes physiques importants pour le médecin. A l’auscultation, il se rend compte des modifications survenues dans le murmure vésiculaire (diminution, expiration prolongée et soufflante, respiration rude et granuleuse, respiration saccadée), ainsi que des bruits surajoutés, perceptibles surtout au sommet et après la toux (craquements, râles crépitants froissements pleuraux). Radioscopie ou radiographie constituent de précieux moyens d’investigation ; lorsqu’il s’agit de lésions très petites, ils peuvent néanmoins ne rien révéler. La présence des bacilles de Koch dans les crachats constitue un signe presque constant, et parfois dès le début. On n’utilise plus guère l’injection de tuberculine, ni l’ophtalmo-réaction qui ont provoqué des accidents ; d’autres procédés font plus souvent employés. Ajoutons que l’étude des antécédents ne doit pas être négligée.

Habituellement, la tuberculose pulmonaire évolue d’une façon chronique ; les poumons, à leur sommet surtout, s’indurent, puis se ramollissent ; les tissus tuberculeux se transforment en pus et des cavernes apparaissent. C’est par poussées successives que s’accomplit cette évolution ; elle est entrecoupée de phases

non fébriles et de périodes d’amélioration, assez longues quelquefois pour faire croire à la guérison ; puis de nouveaux foyers d’infection réapparaissent entraînant une issue fatale.

La tuberculose pulmonaire chronique revêt d’ailleurs différentes formes ; citons, parmi d’autres, la tuberculose ulcéro-caséeuse extensive, la tuberculose pulmonaire fibreuse, la bronchite chronique tuberculeuse. Age, conditions de vie et d’alimentation, présence de troubles pathologiques d’un autre ordre exercent une influence non douteuse sur le cours de la maladie. Fréquemment, la mort survient au bout de six mois, de deux ou trois ans ; mais le dénouement peut être beaucoup plus lent : certains vieillards catarrheux mènent longtemps une vie normale, semant autour d’eux des bacilles qui tueront leurs enfants et leurs petits-enfants ; la tuberculose pulmonaire fibreuse dure vingt ans et plus. Ajoutons qu’une guérison persistante n’est pas impossible et il convient de ne rien négliger pour l’obtenir.

La tuberculose aiguë, si rapidement mortelle, revêt trois formes. 1° Dans la granulie, le follicule tuberculeux reste à l’état de granulation ; les troubles rappellent parfois ceux de la fièvre typhoïde : fièvre élevée, ventre douloureux ; dans d’autres cas prédominent les signes de bronchite ou de broncho-pneumonie. La mort survient en quelques semaines ; 2° Dans la pneumonie caséeuse, un lobe du poumon subit une poussée évolutive et se ramollit en brûlant les étapes : beaucoup de fièvre, la toux est incessante, l’amaigrissement prodigieux, l’anémie extrême. La terminaison fatale arrive après une période allant de un à trois mois ; 3° Dans la broncho-pneumonie tuberculeuse ou phtisie galopante, la fièvre est irrégulière comme dans le cas précédent, les hémoptysies sont fréquentes, les sueurs abondantes, l’amaigrissement est rapide. Cette forme n’est pas rare chez les jeunes gens ; il faut de trois à six mois pour que la mort survienne. D’une façon générale, on observe surtout les formes aiguës chez l’enfant ; elles sont encore fréquentes chez les adolescents ; par contre, ce sont les formes chroniques que l’on rencontre ordinairement chez les adultes, et la transformation fibreuse est loin d’être une exception rarissime.

Contre la tuberculose, il convient de prescrire un ensemble de mesures hygiéniques qui ont déjà fourni d’innombrables preuves de leur efficacité. Le repos sera partiel dans la majorité des formes chroniques ; il sera total si le malade est fébrile, ce qui survient souvent dans les formes aiguës. La cure d’air est essentielle, mais elle requiert une connaissance préalable du climat. Certaines contrées trop froides, trop chaudes, trop exposées au vent ou encore humides sont à éviter ; de plus il existe des climats excitants, d’autres sédatifs, et pour connaître leur action précise sur un sujet il faut généralement un séjour d’une ou deux semaines. Les questions de durée, d’orientation, d’heure, etc…, ont aussi leur importance. D’où la nécessité d’un contrôle médical sérieux. A la cure de repos et d’air, l’on doit joindre une alimentation abondante et substantielle qui ne provoque pas néanmoins de troubles digestifs : quatre repas par jour et une nourriture reconstituante sont conseillés au malade. Ces mesures conviennent non seulement lorsque la tuberculose est à ses débuts, mais comme moyens prophylaxiques. Elles sont appliquées d’une façon rationnelle et méthodique dans les nombreux sanatoriums et préventoriums que l’on trouve maintenant un peu partout. Peut-être changera-t-on d’idées plus tard concernant l’alimentation des tuberculeux ; les expériences des naturistes devraient être examinées d’une façon impartiale par les savants qui ne redoutent point de contredire les routines officielles. Malheureusement, en médecine comme ailleurs, la vérité ne s’impose d’ordinaire qu’après des luttes pénibles et longues.