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lire correctement en lui montrant chaque mot. Puis continuer. Une minute par phrase.

Notation. — Réussir deux phrases sur trois. Compter 1/2 pour toute phrase qui, quoique complète, est mal construite, exemple : Pour la campagne, nous sommes partis de bonne heure. Autoriser les corrections et modifications spontanées. »

Cette épreuve fait partie d’une série de tests de développement de 12 ans. Il en est de plus difficiles qui conviennent au classement des intellectuels et nos lecteurs en jugeront par les deux questions suivantes qui font partie d’un même test.

« I. — D’après les renseignements sur les tailles respectives des diverses personnes désignées ci-dessous par leur prénom, répondez aux cinq questions qui vous sont posées, en mettant dans les trois premières le mot qui manque (plus, moins, aussi) si la réponse vous paraît possible, et sinon, on écrivant en marge : « réponse impossible », en donnant le nom qui convient pour les deux dernières :

« Paul est plus grand que Pierre et moins que Jacques ; Émile est plus grand que Paul et moins que Louis ; André est plus grand qu’Henri et moins qu’Émile ; Jacques est plus grand que Lucien et moins que Louis ; Lucien est plus grand que Pierre et moins qu’Henri ; Joseph est plus grand qu’Étienne et moins que Pierre.

Henri est…….. grand que Pierre ; André est…… grand que Paul ; Joseph est…….. grand que Jacques ; Le plus grand de tous est…….. ; le moins grand de tous est……… ».

« II. — Le test primitif comprenait trois épreuves mais nous laissons de côté la deuxième, trop facile et peu classante ».

« III. — Vous êtes en possession d’une série de quatre couples d’anneaux fermés.

Vous avez besoin de réunir ces anneaux en une chaîne continue et solide, dont tous les anneaux soient fermés. Or, on ne vous permet pas de couper ou de souder à votre gré vos anneaux : tant en coupures qu’en soudures, on n’autorise que quatre opérations en tout : est-il possible, avec ces quatre opérations seulement (tant coupures que soudures), de constituer votre chaîne continue, à anneaux tous fermés, avec vos quatre couples d’anneaux ? Si la chose est possible, décrivez comment vous la réaliserez en indiquant les numéros des anneaux sur lesquels seront pratiqués coupures et soudures, et l’ordre des anneaux constituant la chaîne au moyen de ces opérations. »

Nous croyons inutile de reproduire les instructions très précises données aux expérimentateurs sur la façon de donner les épreuves et les notes.

Emploi des tests. — Les tests pourraient permettre de répartir les élèves en classe. En particulier, dans les villes où il existe des classes spéciales pour attardés, anormaux et surnormaux, ils permettraient un triage systématique — mais cependant sujet à révision — dès le début de la carrière scolaire de l’enfant.

Plus tard, lorsqu’il s’agirait de sélectionner les mieux doués avant de les admettre dans des écoles secondaires ou supérieures, il conviendrait de tenir compte des résultats fournis par les épreuves d’intelligence et de connaissance comme aussi des observations des maîtres. On aurait tort de se fier alors uniquement aux résultats d’épreuves assez brèves, qui comportent toujours une certaine part de hasard et qui ne permettent pas de se rendre un compte très exact de la réelle valeur des enfants émotifs.


Nous avons vu que certains tests sont employés comme exercices correctifs. Les tests contribuent ainsi doublement à l’enseignement sur mesure mieux adapté à l’enfant.

Les tests peuvent servir à de multiples enquêtes pédagogiques. Ils peuvent contribuer à déterminer les meilleurs procédés et les meilleures méthodes d’enseignement Il serait dangereux cependant de leur accorder à ce sujet un crédit excessif : certaines méthodes ne peuvent être jugées sur leur résultat qu’après une expérimentation de trois ans ou plus ; or, pendant un si long temps, les élèvent se développent, évoluent, sont soumis à d’autres influences que celles de la méthode dont on voudrait juger les résultats d’autre part ; il est assez aisé de mesurer l’acquisition des connaissances, il est plus difficile d’apprécier l’influence d’une méthode sur le développement intellectuel. Les tests peuvent aider les inspecteurs à contrôler le rendement d’une école, à constater les différences importantes de niveau qui existent entre les diverses régions.

Enfin l’emploi des tests est tout indiqué en orientation ou sélection professionnelles. Dans ce cas encore, l’emploi des tests ne doit pas être exclusif. Il faut tenir compte aussi : 1° Des rapports ou fiches fournies par les instituteurs ou les professeurs sur les inaptitudes ou les aptitudes, les défauts et les qualités de caractère qu’ils ont eu l’occasion de constater dans la dernière année d’études de l’élève ; 2° des résultats d’un examen médical et plus particulièrement de contre-indications nettes concernant le métier que désirerait exercer le candidat (par exemple, le métier de tanneur qui prédispose aux maladies occasionnées par le froid est incompatible avec les affections respiratoires et rhumatismales, etc…) ; 3° Des résultats d’un examen des aptitudes motrices et psychomotrices qui sont plus ou moins fines et plus ou moins régulières ; 4° Des données statistiques sur l’état du travail et l’encombrement de certaines professions.

Les difficultés. Les inconvénients. — Les tests sont d’un emploi relativement récent et le succès qu’ils avaient connu en Amérique à la suite de l’examen des soldats et de leur sélection lors de la grande guerre, a eu un lendemain assez bref.

Comme toute nouveauté, ils ont eu contre eux la foule des conservateurs et des routiniers. Ce n’étaient pas des adversaires bien terribles.

Ils ont eu pour eux non seulement de véritables savants, mais encore une foule de gens non qualifiés, prenant leurs hypothèses pour des vérités démontrées. Ces partisans, plus dangereux que des ennemis déclarés mais sages, ont causé aux tests le plus grand tort. Alors que les personnes vraiment qualifiées n’ignoraient pas que la méthode des tests n’en était encore qu’à son aurore ; qu’elle était encore d’un maniement délicat et ne pouvait, surtout en ce qui concerne l’orientation professionnelle, donner de bons résultats qu’à la condition d’être employée par des spécialistes compétents et prudents, des illuminés et des toqués ont attribué à la méthode en général et à leurs procédés en particulier des qualités que n’avaient ni l’une ni les autres. Qu’il en soit résulté quelque discrédit sur la méthode n’a rien qui puisse surprendre. Aux États-Unis surtout, on a eu la superstition des statistiques et des enquêtes. Il eût mieux valu moins de statistiques et moins d’enquêtes mais un peu plus d’esprit critique et de finesse.

De nombreux propagateurs de tests parfaitement stupides se sont heureusement heurtés au bon sens d’une grande partie de la population de leurs pays.

La grande difficulté réside dans l’appréciation de l’intelligence. Comment trouver une norme qui permette de juger les réponses ? Certains ont pris comme modèles les réponses fournies par des gens occupant une haute situation : directeurs, ingénieurs, etc…, et c’est d’après les réponses types des individus supposés intelligents qu’ils ont jugé du degré d’intelligence des