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Citons celles Westminster Hall, établie en 1288 ; de Bologne, en 1356 ; de Charles V, à Paris, en 1364 ; de Strasbourg, en 1368. Le mouvement de ces horloges n’était pas régulier ; il fallait, matin et soir, modifier la longueur du balancier pour arriver à fractionner le jour et la nuit en 12 parties égales. En 1612, Sanctorius imagina de faire compter les oscillations par le pendule lui-même en le fixant à un rouage. Galilée le perfectionna en 1644 et en 1658 Huygens restitua au pendule la force perdue, au moyen de l’échappement à roue verticale et l’on eut, depuis, de véritables horloges qui furent perfectionnées de plus en plus jusqu’à obtenir nos instruments si précis. Entre temps, Coudroy inventa la montre, en 1604, que Hookes perfectionna en 1674 par l’adjonction du ressort spiral et, en 1726, Harrisson construisit le premier chronomètre.

Le problème de la mesure du temps se présente à nous sous deux faces bien distinctes : la détermination de l’heure et celle de sa conservation. Nous avons expliqué (voir rotation) en quoi consistait le jour sidéral qui est l’intervalle de temps qui sépare deux passages successifs de la même étoile au même méridien. Pour mesurer le temps, les savants modernes se basent sur ce phénomène qui est la base fondamentale de la mesure du temps astronomique. Pour les besoins de la vie civile, c’est le Soleil qui règle l’emploi du temps et sa révolution diurne apparente sert de mesure. Nous appelons donc jour l’intervalle séparant deux midi consécutifs. Cette période a été partagée en 24 parties. Mais il y a lieu de distinguer entre le jour solaire vrai et le jour solaire moyen (jour solaire civil).

Le jour solaire vrai se compte sur le Soleil réel. Il commence pour un lieu déterminé à midi au moment ou le Soleil passe au méridien (voir ce mot) du lieu d’observation. Et. il se compte d’un midi au midi suivant. Le Soleil se déplace au milieu des étoiles et sa marche est assez illégale ; deux circonstances : variabilité de sa vitesse apparente sur l’écliptique et obliquité de la route écliptique par rapport à l’axe de rotation de la sphère céleste font que le jour solaire est plus long que le jour sidéral. Le jour solaire vrai ne peut donc être choisi pour unité dans la mesure précise du temps : la qualité d’une unité étant précisément sa constance. Pour tourner la difficulté, on a imaginé un Soleil hypothétique appelé : Soleil moyen qui, participant à tous les mouvements diurnes apparents du ciel, marche sur l’Equateur d’un mouvement uniforme vers l’Est de 0 degré 59 minutes, 8 secondes 3 par jour (vitesse angulaire). Le midi de ce soleil ne diffère jamais beaucoup de celui donné par le Soleil vrai et le temps déterminé ainsi est dit temps moyen, c’est lui qui règle le temps civil. Les astronomes ont construit des tables permettant de calculer jour par jour l’écart de deux Soleils. Ces tables donnent les équations des temps, c’est-à-dire les temps à ajouter ou à retrancher des temps vrais pour avoir les temps moyens ou réciproquent. Sans donner plus de développement à ces questions théoriques nous dirons que l’on peut considérer trois espèces de temps et, par conséquent, trois espèces d’heures :

1° l’heure sidérale, régulière et donnée par la marche des étoiles ; 2° l’heure moyenne, également régulière et donnée par la marche hypothétique du soleil moyen et, enfin, 3° l’heure solaire vraie qui est un peu inégale et donnée par la marche du soleil réel.

Nous ne pouvons, sans dépasser les limites de cet article, nous attarder à expliquer la détermination exacte de l’heure (opération d’astronomie pure) ni expliquer tous les modes de transmission. Nous nous bornerons à dire que cette détermination se fait en notant l’heure marquée par une horloge perfectionnée au moment où se produit un phénomène astronomique déterminé dont l’heure exacte a été calculée d’avance avec une grande précision. Le mouvement diurne des étoiles

est le phénomène généralement choisi pour cette détermination. Il nous donne l’heure sidérale qu’une relation très simple permet de convertir en heure civile sur laquelle nous nous basons pour les usages de la vie courante. Et il répond aux conditions demandées pour obtenir une unité précise de mesure, étant donné qu’il s’accomplit dans des conditions strictement semblables. L’exactitude à laquelle on est arrivé est telle qu’une horloge d’observation peut donner l’heure à 1/10e de seconde près, maintenu pendant plusieurs jours et donnant à peine un écart d’une seconde par mois. – Ch. Alexandre.

Bibliographie : A. Berget : Le ciel ; Dr Foerster : Cosmographie ; Dr Neuberger : Utilisation des forces naturelles ; Vau de Vyver : Mesure du temps ; Guyau : Genèse de l’idée du temps ; Goutres : L’heure de précision.


TEMPS MODERNES. On appelle ainsi les temps nouveaux qui ont succédé au moyen âge (voir ce mot), et se continuent aujourd’hui.

L’histoire fait commencer ces temps à la Renaissance et, pour donner une date à ce commencement, à la prise de Constantinople par les Turcs, en 1453. En fait, la Renaissance fut une longue époque amenée par une autre encore plus longue, celle de la pré-renaissance qui changea peu à peu le moyen âge dont elle fit partie. La prise de Constantinople fut l’épisode terminal de la débâcle féodale, dans l’entreprise des croisades commencées deux siècles et demi avant par l’Occident catholique romain contre l’Orient. Mais il n’y eut pas plus de solution de continuité entre le moyen âge et les temps modernes qu’il n’y en avait eu entre l’antiquité et le moyen âge. Il y eut une longue évolution qui changea le monde européen entre le XIe siècle et le XVe siècle.

La prise de Constantinople eut surtout un caractère symbolique, comme aboutissement de cette évolution et départ d’une nouvelle étape humaine. Elle marqua la fin de l’hégémonie spirituelle du catholicisme médiéval par le retour à l’esprit de tolérance perdu par le monde occidental depuis l’établissement du christianisme. Elle fut le « signe » de cet esprit qui annonçait « la réconciliation du genre humain, l’adoption même des proscrits, des maudits, des Turcs, des juifs, des tribus sauvages, etc., dans lesquels l’humanité européenne reconnaîtrait ses frères. » (Michelet). Grâce à cet esprit, la fermentation de pensée qui travaillait l’Occident comme en vase clos depuis plusieurs siècles, ferait éclater la voûte ténébreuse du fanatisme et de la terreur pour se répandre plus librement. On verrait alors, à défaut de la paix définitive et de la fraternité universelle, des rois et des peuples appelés « très chrétiens », avoir des rapports cordiaux avec les « infidèles » et même s’allier avec eux contre l’Église. On verrait, en même temps, l’imprimerie répandre à l’infini la science tenue jusque-là pour hérétique. Inventée, disait-on en Allemagne, par un enchanteur, le docteur Faust, l’imprimerie dresserait la science contre la foi, porterait dans les esprits la révolte pour l’obtention d’une félicité terrestre plus positive que les chimériques promesses du ciel. Vésale et Ambroise Paré feraient entrer, dans les Facultés, l’anatomie et la chirurgie. Zacharie Jansen inventerait le microscope révélateur du monde des infiniment petits, en attendant le télescope de Newton qui rapprocherait la terre des autres grands mondes. Le « langage du diable », le grec, serait enseigné au Collège de France, ainsi que l’hébreu, l’arabe, le syriaque, la philosophie, le droit, les mathématiques, la médecine. L’hérésie s’installerait dans les palais des monarques et les conseils des nations comme dans les chaires des Universités.

Un autre événement, encore plus important et non