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Pourquoi vouloir qu’un patron soit pitoyable, qu’il renonce à son profit, en cessant d’user, de rendre impropres au travail, en quelques années, les hommes qu’il emploie, alors que d’autres attendent, à la porte, d’être admis à l’honneur de pénétrer dans son bagne à n’importe quelles conditions ? Est-ce à lui d’être pitoyable ou à ses serfs de se révolter, de refuser d’être traités ainsi ? Poser la question, n’est-ce pas indiquer sa seule solution pour des hommes conscients ?

Le patron n’ignore pas que les chômeurs sont légion. Il tire de chacun de ses esclaves tout ce qu’il peut donner et le rejette rapidement « à la ferraille », dès qu’il ne peut plus suivre la cadence imposée et inexorable. La roue ne cesse de tourner, de broyer et de jeter dehors. La « matière » est là, en attendant son tour d’être laminée. Pourquoi se gênerait-il, cet homme, que d’autres hommes se disputent l’honneur d’enrichir ?

Naturellement, Taylor et ses imitateurs modernes ne se sont pas contentés de décomposer les mouvements de l’homme, de les classifier, de les ordonner, ils ont étendu la méthode à l’usine toute entière. Procédant de façon identique, ils ont étudié le fonctionnement de cette usine, partie par partie ; ils en ont décomposé le travail, ils l’ont sérié, puis ils ont totalisé les temps d’exécution, supprimé ici deux unités et quatre ailleurs, pour réduire les frais généraux.

Ils ont ainsi recherché l’outil type, propre à plusieurs besognes ou accomplissant chacune d’elles avec la plus grande rapidité, toujours pour augmenter les rendements, sans se préoccuper de l’état de celui qui le manie et en est le prisonnier. Puis, ils ont institué des services d’instruction, de perfectionnement et de surveillance, qui réduisent à néant l’initiative de l’ouvrier, et fabriqué ainsi, en série, comme des pièces quelconques, des manœuvres spécialisés, qui « sortent », à l’année, des parties de machines ou d’objets dont ils ignorent l’assemblage, la destination et l’usage qui en est fait.

L’application de ce système a donné naissance au fameux « Bureau-cerveau » ce deus ex machina mystérieux auquel tout le monde obéit, sans le voir ni le connaître, ce bureau anonyme et énigmatique dont dépend tout un personnel de direction, de maîtrise et de surveillance, qui a augmenté dans des proportions considérables le nombre des « improductifs ». Cette augmentation des « improductifs » n’a, d’ailleurs, pas été sans alarmer le patronat, qui est pourtant hors d’état d’y porter remède, parce qu’il doit caser les siens, devant lesquels les débouchés se ferment de plus en plus.

C’est du point de vue capitaliste, la lacune du système. Michelin fut l’un des premiers à s’en apercevoir et à essayer d’y remédier dans ses usines de Clermont-Ferrand. Et c’est M. Fayolle, ingénieur, mort récemment, qui chercha à améliorer l’administration des Entreprises. Il modernisa le « taylorisme » et lança une nouvelle méthode qui porte son nom : la « fayolisation ».

Ses efforts ne paraissent pas avoir été couronnés de succès. La « fayolisation », comme le « taylorisme » dévore d’un côté ce qu’elle économise de l’autre. Et l’exploitation reste coûteuse et inhumaine. Fraser, après Ch. Faroux, l’a constaté à Philadelphie.

Le « Taylorisme » est anti-scientifique à tous points de vue. Il confond la vitesse anormale avec la cadence normale, l’arrêt nécessaire avec la « paresse systématique ». Il détourne l’ouvrier d’un travail qui est devenu, pour lui, en raison de ses conditions d’exécution, sans attrait ni intérêt quelconque. Il a fait du travailleur le rouage inconscient et supplémentaire d’une machine infernale, au lieu de le libérer de l’emprise et de l’étreinte mortelle de celle-ci. Pour toutes ces raisons, je le condamne sans aucun appel. Son application, qui fut si néfaste à la classe ouvrière, aurait dû faire dresser contre lui tous les travailleurs.

Il est probable que, si la résistance à une telle métho-

de avait été vigoureuse, nous n’aurions sans doute jamais connu les « bienfaits » de la rationalisation qui sont à l’origine de la crise économique actuelle.

Qu’au moins l’expérience porte ses fruits, que ses enseignements ne soient pas perdus et, au lieu d’accepter les yeux fermés tous les systèmes qu’on tentera de leur imposer, les ouvriers cherchent à se rendre compte de leur valeur en ce qui les concerne. Et qu’ils se dressent vigoureusement contre tous ceux qui portent atteinte à leur vie, à leur dignité, à leurs intérêts… Qu’ils envolent se faire pendre ailleurs tous qu’à l’avenir, les Taylor et leurs émules. — Pierre Besnard.


TÉLÉGRAPHIE n. f. du grec tele (loin) et graphein (écrire). Les télégraphes sont des appareils destinés à transmettre à distance, par l’intermédiaire de l’énergie électrique, des signaux conventionnels, ceux-ci étant interprétés par la personne qui reçoit les signaux, ou par un mécanisme approprié pour être traduits en langage courant.

Les premiers essais de télégraphie électrique remontent à 1774 : le français Lesage transmit des signaux par fil à distance en utilisant une source d’électricité statique. Il avait tendu 24 fils représentant 24 lettres ou chiffres ; le transmetteur était une machine statique avec laquelle on élevait le potentiel du fil correspondant au caractère que l’on voulait transmettre ; le récepteur était pour chaque lettre ou chiffre, une balle de sureau placée à proximité du fil correspondant.

En 1811, Sommering utilisa, le premier, les courants électriques et pour les déceler le seul système connu : le voltamètre. La ligne était un câble de vingt quatre fils chacun pouvant être mis en communication avec une pile de Volta., et transmettant ainsi une lettre ou chiffre. Le récepteur était une série de vingt quatre voltamètres ; celui qui correspondait à la lettre transmise l’indiquait par un dégagement de bulles dans le liquide.

Ampère, en 1820, substitua aux récepteurs voltamétriques des aiguilles aimantées que les courants faisaient dévier ; il conserva les vingt-quatre fils.

L’inventeur du télégraphe Morse, cet appareil simple mais génial, est un américain, le peintre Samuel Finlay Breesse Morse qui dut insister près des gouvernements, de 1832 à 1837, pour faire prendre en considération son idée et faire essayer son télégraphe, dont il avait fait construire un modèle encore grossier.

En 1837, Steinheil indiqua les avantages du retour par la terre.

Ce n’est qu’en 1853 qu’on installa des télégraphes électriques en France où la télégraphie aérienne inventée par Chappe rendait, depuis longtemps, des services. Le premier modèle de télégraphe installé dans les réseaux français fut le Foy-Bréguet dont le récepteur comportait deux bras reproduisant, par leurs positions, les signaux du télégraphe Chappe.

En 1912, la longueur des lignes télégraphiques était en France de 190.000 kilomètres, représentant plus de 700.000 kilomètres de fils.

Divers types de télégraphes. — D’une manière générale, quel que soit le système, la transmission des signaux se fait par émission du poste transmetteur de courants de faible durée, de même sens ou de sens contraire ; l’appareil récepteur fait connaître l’ordre, la durée, et le sens des courants émis.

Les durées d’émission sont, dans certains systèmes, de deux espèces : très courtes et longues (1/3 de seconde environ). Combinées avec le changement de sens du courant, elles donneraient 4 signaux conventionnels. Les appareils existants n’utilisent pas cette combinaison. Les signaux sont donc seulement au nombre de deux, différenciés soit par leur durée soit par le sens du courant qui les transmet.

En dehors des appareils imprimant, Hugues, Baudot et dérivés, on emploie un code de signaux appelé alpha-