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quels donnent lieu les provocations de ces louches et lâches individus, capables de tout pour maintenir leur influence auprès des patrons et leur autorité néfaste sur les exploités, lesquels ont toujours sujet de se plaindre et de se révolter.

Aussi, ne faut-il pas m’étonner si les syndicalistes ont maintes fois exercé ou préconisé contre le tâcheron la méthode salutaire de l’action directe justifiant éloquemment l’emploi utile de la chaussette à clous. C’est le seul raisonnement à tenir vis-à-vis de tels individus. Ils ont, d’ailleurs, fait état de ce risque pour décider les patrons à se confier à eux pour obtenir du travail (vite et mal fait) à un prix défiant toute concurrence, en toute tranquillité.

Mais « à mauvaise paie, mauvais travail ». Tout ce qui n’émane pas de la volonté de bien faire de l’artisan et de l’ouvrier, de sa conscience et de son amour propre de métier s’approche fort du sabotage. Certains patrons l’ont compris, surtout s’ils ont été des ouvriers avant d’être des patrons. S’ils ont compris leur véritable intérêt, ils se passent du tâcheron. Le goût, l’orgueil, sagement raisonné, du travail bien fait, les incite à cela.

Le tâcheron est un gâte-métier, un salopard que nulle entreprise sérieuse, nul patron honnête, scrupuleux, intelligent n’emploiera.

Ainsi envisagé, le mot tâcheron n’est plus un substantif, mais un adjectif qualificatif pour désigner l’inqualifiable individu, l’égoïste, le faux frère qui trahit, pour son intérêt particulier, l’intérêt général de ses compagnons de travail, tout en trompant également ceux qui se servent de lui.

Le tâcheron est un produit stupide d’exploiteur, d’imbécillité patronale ou d’ignorance professionnelle.

Le tâcheron est exactement comparable à l’adjudant de semaine, chien de caserne ou de quartier qui, pour plaire à ses supérieurs par les galons, abuse des siens pour punir à tort et à travers les malheureux soldats sous ses ordres. Il en a la mentalité stupide et cruelle. La brutalité dont il fait preuve trop souvent envers les ouvriers qu’il domine, pressure, exploite odieusement, assimile la mentalité du tâcheron à celle du chaouch !

Adjudant, tâcheron, chaouch forment une trinité de qualificatifs appropriés à une même sorte d’individus en des milieux divers. Cette trilogie de brutes prétend également servir. Ils servent surtout à faire détester le système ou le régime dont ils sont les serviteurs ; tels maîtres, tels valets ! Mais les victimes ont le droit d’exécrer leurs bourreaux et le devoir de les supprimer à l’occasion. — Georges Yvetot.


TACHERONAT D’où vient le mot ? D’où vient la chose ? C’est le tâcheron qui a créé le tâcheronat. Cet intermédiaire, nocif à l’organisation actuelle du travail collectif, pouvait faire mieux que de créer un système malfaisant et parasitaire semblable aux individus qui l’engendrèrent.

L’exploitation de l’homme par l’homme, d’essence monstrueuse, ainsi que la bourgeoisie capitaliste, ne peuvent enfanter que des monstres. En essayant d’exposer la psychologie du tâcheron, je n’ai pas fait autre chose qu’exposer tout le système du tâcheronat.

Si le tâcheron est un phénomène individuel exécrable parmi la Collectivité des exploités, on se rend facilement compte que le tâcheronat est une plaie sociale à combattre, un fléau redoutable à éviter, à supprimer.

Les gars du Bâtiment l’ont caractérisé ; ce fléau est un dessin et le titre d’une brochure de propagande contre le tâcheronat. Ce dessin représente une hideuse pieuvre. C’est bien la pieuvre qui s’étend sur le travailleur s’il n’est organisé pour s’en défendre. Il ne suffit pas de trancher une ou plusieurs des tentacules du Monstre, il faut le détruire complètement.

En différents congrès corporatifs, ont été exposés, mis

en relief tous les méfaits du tâcheronat. Des rapports ont été discutés, des ordres du jour votés, des propositions émises et, cependant, le mal existe encore. Il n’y a que la force et la cohésion des victimes, leur entraide, leur action commune qui en viendront à bout. Lest syndicalistes révolutionnaires des corporations atteintes paf le fléau savent cela et ne manquent ni d’énergie ni de persévérance pour parvenir à triompher totalement de cette plaie sociale. Car il n’y a pas à compter sur une législation sociale impuissante. Il n’y a que l’action, répétons-le, pour aboutir à des résultats efficaces.

Le tâcheronat ne peut déplaire aux exploiteurs ni au gouvernement qui, de quelque nuance politique soit-il, est au service des exploiteurs, aux ordres des capitalistes. Or, nous savons trop ce qu’on en peut attendre.

C’est par l’action directe, isolée au collective, qu’un arrivera peut-être à détruire ce mal social qu’est le tâcheronat. Ce n’est pas par des mots mais par des faits que s’illustre la guerre sociale de chaque jour. On sait bien en haut lieu les malfaisances des tâcheront qui volent les travailleurs français et étrangers, en prélevant sur les salaires dont ils sont les distributeurs, en retenant sur ces salaires, si peu élevés, la nourriture et le logis ; car tout le monde sait que la plupart des tâcherons ou sous-tâcherons sont gargotiers et logeurs. Ils nourrissent grossièrement, avec d’intéressants profits, la multitude embauchée par eux, et les abritent mal en des baraquements provisoires où l’hygiène est inconnue. Ainsi, le misérable salaire donné par le tâcheron au rude travailleur exploité lui est aussitôt retenu ou repris pour sa nourriture et son logis.

C’est la pieuvre !

Rien à faire contre cela ? Non, rien à faire si l’on compte sur les patrons ou les gouvernants, sur les politiciens ou sur les philanthropes !… Mais tout à faire par le syndicalisme révolutionnaire préconisant l’éducation, l’organisation et l’action pour écraser la pieuvre ! La sale bête, férocement suceuse du sang des travailleurs qui se laissent prendre, hélas !, par toutes les ventouses de ses tentacules, ne disparaîtra pas d’elle-même : il faut qu’on la tué !

C’est le tâcheronat qui favorise (et qui en profite) la main-d’œuvre étrangère odieusement exploitée, puis délaissée et sacrifiée.

C’est le tâcheronat qui attire en France des légions de miséreux, venus de partout pour vivre, en certaines époques de crise sociale. Les malheureux de nos colonies et des pays voisins, crevant de faim, sont faciles à exploiter en grand nombre.

On ne saura jamais combien il y eut de morts pour des travaux infects sur des chantiers dangereux, des usines, des ateliers, des locaux malsains, en des climats dangereux. Et combien on a trouvé d’autres ouvriers, remplacés si facilement, en les recrutant par des promesses mensongères ! On ne dit pas quelles hécatombes de prolétaires ont été faites pour des grands ou petits travaux dont se glorifient les gouvernements et dont se sont enrichis nos parasites de toutes espèces, y compris les tâcherons. — Georges Yvetot.


TARTUFE n. m. L’origine de ce mot est assez confuse. Selon Littré, Molière, qui écrivait Tartuffe, l’aurait emprunté à l’italien tartufio (de tartufolo, truffe), lequel avait, dans cette langue, le sens d’ « homme à l’esprit méchant ». Du simulateur de piété — artificieux gredin — qu’incarnait Tartufe dans l’œuvre de Molière, sa qualité s’est étendue à toutes les manifestations de l’hypocrisie ; et le sens de ce mot, devenu nom commun, s’est généralisé. Il embrasse aujourd’hui toute affectation intéressée, toute dissimulation qui vise à circonvenir son semblable, et la flétrissure qu’il comporte convient à tous ceux qui font de la morale et de la vertu le bouclier d’approche de leurs canailleries.