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Il semblerait que les guenons n’ont pu supporter leur captivité. Le docteur Ivanoff n’est pas un inconnu en France et il avait tenu le Docteur Calmettes au courant de ce qu’il voulait réaliser.

Les lois condamnant la bestialité étaient très sévères chez les Juifs, qui assimilaient la bestialité à la sodomie. L’Exode (XXII, 19) et le Lévitique (XX, 15) prescrivent la mise à mort de l’humain et de l’animal. Au Moyen Âge, la bestialité était très répandue et par le Pénitentiel d’Egbert (IX- siècle-Xe siècle) nous voyons qu’évêques, prêtres et moines n’en étaient pas exempts.

En général, les idées de ce temps étant influencées par la morale judéo-chrétienne, la bestialité était passible de longues pénitences et souvent de mort. En France, on brûla ensemble des hommes et des truies, des hommes et des vaches, des hommes et des ânesses. Au XVIIe siècle il se trouvait encore un jurisconsulte, Lebrun de La Rochette, pour justifier ces assassinats !

Une autre forme encore assez fréquente du symbolisme sexuel est la cleptolagnie ou vol associé à l’excitation sexuelle dont l’étude des manifestations est toute récente. La cleptolagnie est la jouissance sexuelle obtenue grâce « à l’énergie émotionnelle déterminée par l’excitation du vol ». Certaines femmes, surtout proche la période menstruelle, volent des étoffes, généralement de la soie et ressentent, leur action commise, une jouissance voluptueuse, « accompagnée d’une sensation délicieuse comme elle n’en éprouvait jamais pendant le coït ou autrement » a raconté l’une d’elles (Annales médico-psychologiques, mars 1921). Les hommes sont également sujets à ce genre de symbolisme.

Il me faudrait des volumes pour décrire les différentes manifestations du symbolisme ou fétichisme sexuel. Fétichisme de la bouche : dans le Carilonneur, G. Rodenbach a décrit un personnage devenant amoureux d’une jeune fille uniquement à cause de sa bouche, ne voyant plus « que cette bouche tentante et haletante, comme une fleur isolée qu’il eût voulu cueillir dans le jardin de sa chair… L’amour était dans cette bouche, comme Dieu dans l’hostie. » — Fétichisme de la voix — fétichisme du nez — fétichisme des yeux tout autant classique que le fétichisme des cheveux, tous deux chantés avec enthousiasme par les poètes. Le rôle des boucles de cheveux (à quoi il faut rattacher celui des poils de l’aisselle ou du bas ventre) comme excitant sexuel est bien connu. Du temps où l’on portait de longues chevelures, les coupeurs de tresses occupaient assez souvent la chronique des tribunaux et on n’ignore plus qu’une fois la tresse dans leurs mains, ils se trouvaient au comble de la jouissance. Fétichisme du bras, de la main. Fétichisme des fesses, normal chez certaines peuplades sud africaines et reconnu par les Grecs qui lui avaient consacré leur Vénus Callipyge. Fétichisme des odeurs, phénomène qui mériterait une longue étude étant donné son importance. Fétichisme des enfants impubères dont la femme n’est pas plus exempte que l’homme et au sujet duquel il faut rappeler que chez certains peuples, dont les Scythes, les mœurs autorisaient les relations sexuelles avec les fillettes. Fétichisme du costume, dont le gant, les dessous, le mouchoir, le tablier blanc, le bonnet de nuit, les bas, les fourrures, les éventails sont des subdivisions. Stanley Hall dans le Journal américain de Psychologie (vol. VIII) explique l’amour pour les fourrures par le souvenir d’une époque où les relations avec les animaux étaient beaucoup plus intimes que maintenant ou par celui des âges où nos ancêtres étaient velus. Une autre subdivision du fétichisme du costume est l’excitation produite par la femme en costume religieux, mais la recherche des origines (vestales, etc.), m’entraînerait trop loin. On a connu un juge d’instruction (Dr Emile Laurent, dans l’Amour morbide) qui éprouvait un attrait presque irrésistible pour le costume des prison-

nières. — Fétichisme des travestis. — Fétichisme des monstruosités ou difformités.

On me reprochera peut-être de n’avoir parlé ni du sadisme ni du masochisme. Mais ni le sadisme ni le masochisme ne peuvent, selon moi, être englobés dans le symbolisme sexuel ou érotique. Le sadisme consiste à se procurer de la jouissance sexuelle en faisant souffrir autrui ou en étant témoin de ses souffrances, alors que le masochisme est le moyen de se procurer cette même jouissance en se faisant infliger de la souffrance par autrui. Cela n’a rien à faire avec le véritable symbolisme ou fétichisme sexuel physiologique qui n’associe nullement la douleur à l’amour. Ainsi, le vampirisme ou la recherche de la jouissance sexuelle par la profanation des cadavres n’a rien à faire avec le sadisme ou le masochisme ; aucun désir d’infliger ou de subir une souffrance quelconque n’existe en effet dans la nécrophilie. Pas plus qu’il n’en existe dans l’excitation par les statues. L’exhibitionniste, le fétichiste qui s’empare d’un gant, d’un mouchoir, d’une mèche de cheveux, etc., pour se procurer une excitation sexuelle ne cherche aucunement à infliger de la souffrance et n’établit aucun rapport entre la douleur et la volupté.

De Sade, qui a donné son nom au sadisme, est un précurseur en fait de psychopathie sexuelle, dont quelques esprits avertis commencent à reconnaître le talent. Il a combattu toutes les valeurs morales de son époque et s’est efforcé de démontrer dans ses romans que ce sont ceux qui sont les gardiens de la moralité qui en font le plus fi. Rappelons qu’on peut établir des parallèles profitables entre de Sade (qui florissait à la fin du XVIIIe siècle), Schopenhauer, Stirner et Nietzsche. On peut même se demander s’il n’a pas influencé le solitaire de Sils Maria.

De Sade était malthusien. Dans la Philosophie dans le boudoir, Mme de Saint-Ange parle comme les néomalthusiens actuels. Il était contre le respect des propriétés. Alcide Bonneau a fait remarquer, dans la Curiosité littéraire et philosophique, que, dans son premier mémoire sur la Propriété (1840) « La Propriété c’est le vol », Proudhon développe exactement les mêmes idées que Dorval, un autre héros de la Philosophie dans le Boudoir.

Lorsqu’au V Congrès de la Ligue mondiale pour la Réforme sexuelle, le Dr Magnus Hirschfeld déclare qu’il n’est pas une des formes prises par l’instinct sexuel « si anormale qu’elle nous paraisse » qui ne soit au fond « normale, justifiée, en tout cas irrésistible », ceux qui ont étudié le problème ne peuvent qu’être d’accord avec lui. Le grand malheur cependant pour l’anormal, pour le symboliste, le fétichiste sexuel, c’est qu’en dépit de toute la littérature savante ou profane (lue par une infime minorité d’ailleurs), il n’est compris par presque personne. L’amant normal a derrière lui la foule des autres êtres humains qui agissent comme lui, son espèce, son sexe, sa nation. Même l’amant inverti rencontre des individus dont les aspirations sont semblables aux siennes et auxquels il peut s’associer. Mais l’anormal sexuel, moyen, équilibré, du fait de son éducation, s’imagine qu’il est seul au monde. Son désir le plus sacré, pour ainsi dire, ceux qui l’entourent le considèrent comme une obscénité dégoûtante ou un enfantillage absurde, sinon comme un vice exigeant l’intervention de la police.

Ses contemporains ont oublié que l’adoration du pied, le respect pour les actes et les produits de l’excrétion, la cohabitation avec des animaux, la solennité de l’exhibition des organes de la reproduction, tout cela « c’étaient pour des ancêtres qui ne sont pas très lointains, le support des conceptions les plus élevées et des ardeurs religieuses les plus profondes. » Le voilà seul. Rien d’étonnant à ce que cet isolement influe sur son moral. Et ce n’est pas le châtiment qui le sortira