Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.2.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SYM
2699

Sans attacher plus d’importance qu’il ne faut aux qualifications normales ou anormales, on peut, dans un but mnémotechnique, adapter la classification qu’a dressée Havelock Ellis des phénomènes de l’ordre qui nous occupe, classification relative aux objets et aux actes qui ont fait naître ces manifestations.


I. — Parties du corps. — a) Normales : la main, le pied, les seins, le bout des seins, les cheveux, les sécrétions et les excrétions, etc…

b) – Anormales : la claudication, le strabisme, les marques de variole, etc… : la pédophilie ou amour des enfants, la presbophylie ou amour des vieillards, la nécrophilie ou attraction pour les cadavres, la zoophilie ou excitation par les animaux.

II. — Objets inanimés. — Vetements : gants, souliers, bas, jarretières, chapeaux, mouchoirs, tabliers, dessous, etc…

b) Objets impersonnels, comprenant tous les objets, si divers qu’ils soient, pouvant accidentellement acquérir le pouvoir d’exciter le sentiment sexuel (y compris le pygmalionisme ou excitation par les statues).

III. — Actes et attitudes. — a) Actifs : flagellation, cruauté, exhibitionnisme.

b) Passifs : être fouetté, subir des cruautés. On peut y comprendre les odeurs personnelles et le son de la voix.

c) Mixocospiques : vision des actes de grimper, de se balancer, etc., des actes d’émulsion, de défécation, du coït des animaux.

On comprendra que, faute de place, nous ne puissions nous étendre en détail sur les différentes manifestations du symbolisme sexuel ou les diverses formes qu’il revêt. Nous nous contenterons d’un coup d’œil d’ensemble.

Le fétichisme du pied et du soulier compte parmi les formes les plus fréquentes du symbolisme sexuel. On se souvient de l’importance que Restif de la Bretonne accordait à la chaussure comme fétiche d’émotion sexuelle. Il l’a raconté tout au long dans Monsieur Nicolas, son chef-d’œuvre, dans Le pied de Fanchette, et on sait qu’il a exprimé le désir qu’on enterrât avec lui la pantoufle de la femme qu’il aima le plus passionnément de toute sa vie, Mme Parangon. Mais sa prédilection pour les souliers de sa gracieuse amante ne l’empêchait pas de se jeter avec avidité sur le linge qui avait touché certaines parties de son corps.

On connaît la fascination sexuelle exercée par le pied sur les Chinois du Sud, les Mongols et, en général, tous les peuples appartenant à la race jaune, à ce point que c’est dans le pied que, pour les femmes, réside la pudeur ; la révolution chinoise a eu beaucoup de peine à abolir — et elle a rencontré maints échecs — la compression du pied de la Chinoise du Sud, compression qui semble avoir fait du pied l’un des foyers de l’attraction sexuelle, comme en Occident ce fut le corsetage de la poitrine féminine.

Ce n’est pas seulement chez les Chinois qu’il y a relation étroite entre les pieds et le désir sexuel, on l’a signalé chez les Égyptiens, les Arabes, les Allemands, les Espagnols modernes. En ce qui est les Anciens, Ovide a insisté souvent sur le charme sexuel du pied féminin, insistance telle qu’on dirait, écrit le Dr Paul Jacoby, dans sa Contribution à l’étude des folies dégénératives, que la psychologie des Romains était bien proche de celle des Chinois. Le poète latin Tibulle a décrit avec amour le pied menu de sa maîtresse « comprimé » par la bandelette qui l’entourait.

Le fétichisme du pied et de la chaussure revêt une foule d’aspects, qui se résument en ceci : que la jouissance sexuelle n’est obtenue qu’à condition que, objet ou image, le pied ou la chaussure intervienne. Et cela va de

l’homme qui suit dans la rue une femme dont le pied ou la chaussure l’aura séduit à celui auquel la caresse d’un pied féminin procure le plaisir sexuel, au collectionneur de bottes, de souliers ou de pantoufles qu’une nouvelle acquisition conduit, par associations d’idées, à la masturbation — ou encore à celui qui n’éprouve de jouissance que s’il est foulé aux pieds. L’élément féminin non plus n’est pas exempt de ce fétichisme ; il y a des exemples de femmes auxquelles l’acquisition de souliers neufs ou la marche sur certains objets ou dans de certaines circonstances procure l’orgasme.

Le fétichisme du sein est également très répandu et est tellement classique qu’il est reconnu et avoué depuis la plus haute Antiquité. On peut dire que la poésie, la peinture, la sculpture, la gravure, le dessin l’ont immortalisé.


« Tes deux seins sont comme deux faons, comme les jumeaux d’une gazelle qui paissent au milieu des lys » déclare l’auteur du Cantique des Cantiques (, 5) et l’anecdote de Phryné dont l’acquittement a été obtenu grâce au dévoilement de sa gorge de déesse, indique que les Grecs partageaient, au sujet de cette partie du corps de la femme, l’enthousiasme du chantre des beautés de la Sulamite. Remarquons en passant que le Cantique des Cantiques est saturé de symbolisme sexuel et rivalise, sous ce rapport, avec le Kamasoutra.

Faut-il citer Clément Marot :

Tétin refait plus blanc qu’un œuf,
Tétin de satin blanc tout neuf,
Tétin qui fait honte à la rose.

Benserade :

Tetons qui ne font pas un ply.

Caour Lormian :

Le plumage du cygne et la neige nouvelle
N’égalent pas l’albâtre de son sein.

Voltaire :

Un beau bouquet de roses et de lis
Est au milieu de deux pommes d’albâtre.

M. Rollinat :

Ô seins, poires de chair, dures et savoureuses
Monts blancs où vont brouter mes caresses peureuses.

Beaudelaire, dans ses Fleurs du Mal, symbolisant l’attraction sexuelle du sein, fait dire à la femme :

Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants
Et fais rire le vieux du rire des enfants.

On peut apprécier l’influence de ces attributs en considérant la conception différente qu’en ont les maîtres de la peinture. Les seins de la Diane au bain de Boucher, de La Source d’Ingres, de la Léda du Corrège, de la Galathée de l’Albane n’ont rien de commun avec ceux des femmes de Rubens dans sa Kermesse flamande ou dans sa Bacchanale ou dans son Départ d’Adonis, par exemple. Et ce n’est pas une question de peuple ou de mode, c’est une affaire de goût personnel. Qu’on compare la Fornarina de Raphaël ou la femme de l’Education de l’Amour du Titien avec l’Europe ou la Suzanne de Paul Véronèse ou les modèles du Tintoret, on verra combien tous ces artistes diffèrent quant à la conception de ce détail du corps humain.

Le fétichisme du sein est tellement ancré dans les mœurs qu’on ne le voit pas figurer dans les livres médicaux à titre pathologique. Et pourtant le nombre est élevé des hommes et des femmes chez lesquels la vue ou le toucher des seins produit une excitation ou une émotion sexuelle érotique à l’exclusion des autres parties du corps.

Il est une forme répandue du symbolisme érotique,