Page:Faure - Encyclopédie anarchiste, tome 4.2.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SYM
2690

ce de hiérarchie entre les hommes », « le culte de la science », etc…, etc….

Et pour finir, parlons un peu de Pie XI, notre Saint-Père. Depuis qu’il occupe le trône de St-Pierre, toute occasion lui fut bonne pour parler au monde.

Après ses encycliques sur l’Éducation et sur le Mariage, il a donné, le 3 mai 1932 (Caritate christi compulsi) son opinion sur les épreuves présentes du genre humain, en même temps qu’il nous proposait son remède à la crise.

L’opinion du Pontife ? Le monde retrouvera sa quiétude, les peuples leur prospérité, la crise économique sera révolue, la paix régnera entre les nations… dès que les gouvernants et les sujets seront redevenus les fils soumis de l’Église catholique et romaine. Voilà la trouvaille !

Il met, ce brave pape, dans le même sac, les gouvernements laïcs, les écoles populaires, les universités, les sociétés secrètes, les factions socialistes et communistes. Il préconise même contre celles-ci, « un front unique et solide » !

Son remède à la crise ? Prières et pénitences !

L’Église, par l’organe de son porte-parole le plus éminent, ne se penche sur les humbles, sur les travailleurs, que pour les exhorter à la résignation, que pour les inciter à se soumettre docilement à l’autorité de leurs détrousseurs !

Et lui aussi déclare sentencieusement, que « la liberté, la solidarité, l’amour de l’humanité et de la science, en un mot, toutes les plus nobles affirmations de la conscience moderne, ne sont que des idoles. Il proclame que « les individus, les familles, les nations, doivent à Dieu un culte officiel, une soumission de l’intelligence. Que l’église catholique laisse à chacun la liberté d’être républicain (Il ne dit pas toutefois si c’est à la manière de Combes ou de Castelnau !), royaliste, impérialiste, mais elle ne laisse pas la liberté d’être socialiste, communiste, anarchiste, ces trois sectes étant condamnées par l’Église… »

Donc, aucune objection, aucune contestation n’est permise. De 1789 à nos jours — pour ne s’en tenir qu’aux temps modernes — la permanence de la doctrine politique de l’Église apparaît évidente. Pie XI, en lançant son Syllabus au monde en une sorte de défi, n’a fait que s’inspirer des immuables principes qui constituent toute la structure de cette formidable et malfaisante organisation qu’est l’Église catholique. Le Syllabus condamne radicalement la conception moderne des droits de la conscience. C’est, selon lui, une maligne erreur que d’admettre les protestants aux mêmes droits politiques que les catholiques. Est-ce que les pères de la Compagnie de Jésus — les jésuites — à qui l’on attribue d’ailleurs la paternité des principales propositions de ce fameux document, ne persistent pas à enseigner que la coercition et la répression sont un devoir sacré, dès qu’on en a la puissance ou qu’on l’acquiert ?

Pie XI rejoint Saint-Paul, l’auteur de l’Épitre aux Romains, où l’on trouve cette formule célèbre du droit divin des puissances de la terre : « Que toute âme soit soumise aux pouvoirs supérieurs. Car il n’y a point de pouvoir qui ne vienne de Dieu, et ceux qui existent ont été établis par lui, de sorte que celui qui s’oppose au pouvoir résiste à l’ordre de Dieu. » Il rejoint Bossuet, qu’on n’accusera pas d’ignorer la doctrine chrétienne, qui, invoquant également l’autorité du fondateur du Christianisme, déclare : « Que quiconque condamne la servitude, condamne en même temps le Saint-Esprit qui ordonne aux esclaves, par la bouche de Saint-Paul, de demeurer en leur état et n’oblige point leurs maîtres à les affranchir. »

L’Église qui n’a point condamné en principe l’esclavage, pas plus qu’elle ne l’a aboli en fait, est bien dans son rôle historique en prêtant tout son appui aux Régimes d’oppression et en s’opposant, par voie de consé-

quence, au développement des doctrines de libération et de rédemption humaines. Les adulateurs et les complices des Constantin, des Napoléon, des Mussolini, des Hitler et de tous les tortionnaires des peuples ne sauraient, en même temps, favoriser l’affranchissement de l’individu !

Le mot est d’une justesse profonde : « Le Catholicisme peut être considéré comme une théorie de direction sociale greffée sur une doctrine de renoncement individuel. » L’homme est ainsi détourné des choses, des biens de la terre et livré, pieds et poings liés, à la domination de l’Église. Toute l’œuvre de la papauté a été fondée sur ce calcul on ne peut plus logique.

Avec des alternatives d’audace insolente, d’acharnement impitoyable, de soumission et de temporisation calculée, la papauté a marché vers l’objet de ses rêves et de ses convoitises : le gouvernement universel et, en dépit des multiples et cuisants échecs qu’elle a subis au cours des siècles, elle n’a point renoncé à ses espérances scélérates d’asservir, un jour, hommes et choses à sa sanglante et implacable tyrannie ! — A. Blicq.


SYMBOLISME — Le mot symbolisme est né du verbe symboliser, exprimer par symboles. Le symbolisme est la représentation par des symboles des abstractions, idées, personnes ou choses qui n’ont pas une existence ou une apparence réelle. Le symbole (du latin symbolum) est « une figure ou une image employée comme signe d’une autre chose. » (Littré). Il est l’aspect concret de la représentation symbolique. La parole, l’écriture, tous les arts sont des symboles de la pensée ; ils donnent un corps aux idées, ils les traduisent plastiquement pour les rendre compréhensibles et communicables à l’intelligence et aux sens. On a symbolisé ainsi la conception toute abstraite de la fidélité dans l’image du chien. De même, l’agneau est le symbole de la douceur, le lis celui de la pureté, le serpent celui de l’éternité, le lion et le soleil ceux de la force et de la souveraineté, l’épée celui de la guerre, la croix celui de la foi chrétienne, le croissant celui de la foi musulmane, le sceptre celui de la royauté, le bonnet rouge celui de la liberté, le marteau et la faucille ceux de la dictature du prolétariat, etc… Flaubert admirait Buffon mettant des manchettes pour écrire. Il voyait là un symbole, celui de la méthode de travail de cet écrivain.

Tout est symbole dans le monde, et le domaine symbolique, aussi vaste que l’univers, n’est pas moins conventionnel, arbitraire et contradictoire suivant les interprétations, même lorsqu’elles ne sont pas seulement des images de rhétorique et sont présentées sous une forme précise et un sens généralement reconnu. Ainsi, il semble admis par tout le monde qu’un glaive est un instrument de meurtre et symbolise le combat, que la guerre est le meurtre collectif et que le but des armées est d’accomplir ce meurtre. Mais grâce à la rhétorique théologique et à son symbolisme spécial, le « Dieu des armées » qui commande à ses fidèles de massacrer, suivant les circonstances, les hérétiques, les Chinois, les Français, les Allemands, est le même Dieu qui dit d’autre part à tous les hommes sans distinction : « Tu ne tueras pas !… Aimez-vous les uns les autres !… Qui se sert de l’épée périra par l’épée !… etc… » De même il y a une « Armée du Salut » avec un état-major, des soldats, une devise : « Sang et Feu » et un emblème composé de deux épées entrecroisées. Mais il paraît que cette armée ne veut le Salut que par la paix et, lorsqu’elle chante, avec accompagnement de grosse caisse : « Debout, saintes cohortes, soldats du Roi des rois ! », ce n’est pas dans l’intention de faire couler « un sang impur », c’est seulement « pour exciter les forces spirituelles des balayeurs du monde moral voués au nettoyage des égouts de la civilisation » !… Pourquoi alors des épées quand il ne faut que des ba-