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re aux esprits restés naïfs. Renan affirme, il est vrai, que l’incertitude où nous sommes concernant l’immortalité de l’âme constitue une preuve de cette immortalité. « On peut dire sans paradoxe, assure-il, que si les doutes qui planent sur les vérités de la religion naturelle étaient levés, les vérités auxquelles ils s’attaquent disparaîtraient du même coup. Supposons, en effet, une preuve directe, positive, évidente pour tous des peines et des récompenses futures ; où sera le mérite de faire le bien ? Il n’y aurait que des fous qui, de gaîté de cœur, courraient à leur damnation. Une foule d’âmes basses feraient leur salut, cartes sur table ; elles forceraient en quelque sorte la. main de la divinité. Dans l’ordre moral et religieux, il est indispensable de croire sans démonstration ; il ne s’agit pas de certitude, mais de foi. Des croyances trop précises sur la destinée humaine enlèveraient tout le mérite moral. Qu’avons-nous besoin de ces preuves brutales qui gêneraient notre liberté ? Nous craindrions d’être assimilés à ces spéculateurs de vertu ou à ces peureux vulgaires, qui portent dans les choses de l’âme le grossier égoïsme de la vie pratique. » Sans l’avouer franchement, Renan admet, avec raison, que la croyance très ferme au ciel et à l’enfer aboutit toujours à un honteux marchandage, que la différence est minime entre l’avare qui entasse des richesses périssables dans un coffre-fort et le pieux chrétien qui multiplie les orémus afin de grossir le trésor de ses biens célestes. Mais il a tort de supposer que le risque, né de l’incertitude, ennoblit ce marchandage. Spéculateurs de la Bourse, chevaliers d’industrie, aventuriers qui, dans tous les domaines, exploitent la crédulité des gogos, vivent aussi dans l’incertitude et courent des risques parfois terribles. Ceux qui spéculent sur l’au-delà sont à ranger parmi les usuriers les plus rapaces ; ne les plaignons pas s’ils sont tourmentés par la crainte d’effectuer un mauvais placement.

La science n’admet qu’une survie, celle des composants ultimes qui constituent l’individu. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. Synthèse transitoire et passagère, notre moi s’évanouira pour ne jamais renaître ; comme les animaux, comme les plantes, comme les corps bruts eux-mêmes, l’homme doit faire retour aux grandes forces cosmiques qui, seules, possèdent l’éternité. Peut-être notre espèce sera-t-elle un jour mieux armée contre la mort ; à ce moment elle sourira de la survie que prêtres et métaphysiciens promirent longtemps en guise de consolation. Certains morts continuent, d’ailleurs, de vivre dans le souvenir de nombreuses générations. Et cette survie subjective peut adoucir le chagrin de ceux qui, bien à tort croyons-nous, se désolent de savoir qu’ils ne seront un jour qu’une poussière d’atomes, agglomérés dans des synthèses nouvelles. — L. Barbedette.

SURVIE n. f. La survie est un terme de jurisprudence qui exprime l’état de celui qui survit à un autre. Au figuré, c’est le prolongement de l’existence et, par extension, c’est le fait de demeurer en vie après la mort.

En Droit, les gains de survie sont les avantages qui sont promis, sur les biens de la communauté, soit à celui des deux époux qui survivra à l’autre, soit à un seul d’entre eux, s’il survit à l’autre.

Albert Wahl, dans sa présomption de survie, explique que lorsque deux personnes meurent dans le même événement et qu’elles sont appelées à la succession l’une de l’autre, il est important de déterminer laquelle est morte la première, puisque celle d’entre elles qui a survécu à l’autre, ne fût-ce que d’un instant, a succédé à cette dernière. La preuve de l’ordre des décès peut être administrée par tous les moyens, même par témoins et par présomptions de faits ; par exemple, on peut décider qu’un incendie s’étant déclaré au second étage d’une maison, la personne qui habitait cet étage est présumée être morte avant celle qui habitait à un étage supérieur

ou inférieur. Lorsque toute preuve ou présomption de fait manque, les deux défunts sont réputés être morts au même instant, car, pour que l’un pût succéder à l’autre, la preuve devait être apportée qu’il est décédé après lui, ce qui, par hypothèse, est impossible.

Cependant les articles 720 à 722 du Code civil ont émis certaines présomptions légales connues sous le nom de « théorie des comourants ou des commorientes ». Ils divisent la vie humaine en trois périodes : 1° de la naissance à l’âge de 15 ans ; 2° de 15 ans à 60 ans ; 3° à partir de 60 ans. Les solutions données par la loi se rattachent à l’idée que, dans la première période, les forces croissent avec les années, qu’elles restent stationnaires dans la seconde et qu’elles diminuent dans la troisième. En conséquence, lorsque les deux défunts appartiennent à la première catégorie, le plus âgé, qui est réputé avoir offert la plus grande force de résistance, est présumé avoir survécu si les circonstances du fait ne permettent pas de déterminer l’ordre du décès. Dans la seconde période, la loi présume que les décès se sont produits dans l’ordre naturel de l’âge, c’est-à-dire que le plus jeune est présumé avoir survécu ; toutefois si les deux défunts n’étaient pas du même sexe, et si, en outre, ils étaient du même âge ou qu’il y eût entre eux une différence d’âge n’excédant pas un an, le mâle est présumé avoir survécu. Enfin, dans la troisième période, la force de résistance décroissant avec l’âge, le moins vieux est présumé avoir survécu.

Mais il peut arriver que les deux comourants appartiennent à deux périodes différentes. L’article 721 dit seulement que si l’un d’eux avait moins de 15 ans et l’autre plus de 60, le premier est réputé avoir survécu. Il néglige les hypothèses, soit ou l’un a moins de 15 ans et l’autre de 15 à 60 ans, soit ou l’un a de 15 à 60 ans et l’autre plus de 60 ans. L’opinion commune veut que, dans le premier cas, le plus âgé et, dans le second cas, le plus jeune, soient réputés avoir survécus. Mais, comme les présomptions légales sont de droit étroit, il y a des doutes sur ce point.

Que si les deux défunts sont du même âge — (et en dehors du cas indiqué plus haut, où ils appartiennent à la seconde période et sont de sexes différents) — ils sont, à défaut de présomptions légales, réputés être décédés en même temps ; la succession de chacun d’eux est donc dévolue comme s’il avait survécu à l’autre. Mais des jumeaux ne sont pas considérés comme étant du même âge. On admet généralement que le premier qui est sorti du sein de la mère est le plus âgé au point de vue de l’application des articles 720 à 722.

Ces questions de survie se posent fréquemment lorsque la mère et l’enfant succombent ensemble pendant le travail de l’accouchement. Si les circonstances de fait ne peuvent donner la solution, on admet que la mère a survécu.

L’application des présomptions fournies par ces textes n’est pas aussi large qu’on pourrait le supposer. Elle est limitée à deux points de vue. En premier lieu, la loi suppose le décès de « plusieurs personnes respectivement appelées à la succession l’une de l’autre ».

Si donc un seul des comourants était héritier présomptif de l’autre, sans réciprocité (par exemple s’il s’agit de deux frères dont l’un a des enfants), les présomptions ne s’appliquent plus. Elles ne s’appliquent pas davantage si les deux défunts étaient appelés à se succéder réciproquement, non pas comme héritiers légitimes, mais comme légataires ou donataires. Ils sont alors réputés être décédés au même instant. D’autre part, la loi suppose que les deux défunts sont considérés comme étant morts en même temps, si les événements dans lesquels ils sont décédés sont différents. L’incendie d’une maison est un événement unique ; il en est de même du naufrage d’un bâtiment. L’assassinat de plusieurs personnes est, au contraire, un événement multiple, alors même qu’il a été commis par