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pour chaque méthode innovatrice en matière d’hygiène. Il est nécessaire de tenir compte d’une foule de considérations dans l’application de chacune d’elles : des idiosyncrasies personnelles, de l’hérédité, des tares congénitales ou acquises qui influent diversement selon les possibilités de réaction et d’adaptation individuelles. C’est au médecin, au conseiller hygiéniste, à toute personne chargée de cette complexe réalisation, à faire intervenir souplesse éclairée et mesure dans leur appel aux nouveaux agents régénérateurs. Mais tous ont à gagner à l’introduction d’une sage méthode naturiste. Quelques faits suggestifs, entre mille, contribueront, mieux que les plus brillantes dissertations, à souligner l’importance du respect de certaines règles hygiéniques.

Mme Boussard, la mère de l’auteur du « Tour du Monde d’un Gamin de Paris », fut atteinte, à l’âge de 36 ans, d’une très grave maladie du foie qui faillit l’emporter. Sur les conseils de Lamartine, elle adopta le régime végétarien et mourut, sans récidive et sans autre accident, à l’âge de 106 ans. Elle attribuait, d’ailleurs, sa longévité au régime qu’elle avait adopté.

L’anecdote suivante n’est pas moins curieusement caractéristique : le Docteur Huchard était parvenu, grâce à la diète végétarienne, à sauver un homme fort mal en point. Il se portait admirablement bien depuis dix-huit mois, lorsqu’un beau jour, il eut la fâcheuse idée, étant entré dans un restaurant, de commander de la langouste et du gibier. Le jour même, il dut réintégrer l’hôpital, atteint de troubles caractéristiques d’intoxication d’origine alimentaire et il mourut quelques jours après, des suites de son imprudence.

Évidemment, tous les faits ne sont pas identiques, tous les cas n’ont pas le même processus et chaque erreur, chaque imprudence ne comporte pas semblables sanctions pathogéniques. Mais les petits ruisseaux font les grands fleuves ; les plus minimes écarts, les plus insignifiants manquements parviennent, totalisés, à une somme imposante susceptible, à la longue, d’influer fâcheusement sur la santé. D’autre part, il serait absurde d’imaginer que chacun est en droit de briguer le centenariat, sous le puéril prétexte d’un rigoureux et permanent respect de toutes les prescriptions d’hygiène. Mais leur judicieuse observation permet à celui que le destin a fait hériter d’une hérédité déficitaire d’en soulever assez le redoutable poids pour assurer à son existence, le gain de nombreuses années sereines. Au contraire, l’inconscient qui dilapide son capital-santé par une conduite absurde s’acheminera inéluctablement au tombeau, dès cet âge chanté par le poète et où la vie magnifique ne devrait lui prodiguer que des sourires… Combien de bambins, d’adolescents, d’adultes enfin, tués prématurément qui eussent pu ou qui pourraient jouir d’une longue et paisible existence, s’ils avaient été soumis à une judicieuse et supportable discipline, s’ils avaient connu et observé les principes essentiels qui constituent une règle intelligente de vie ! « L’homme ne meurt pas, il se tue », affirmait Sénèque, au lointain des siècles, dénonçant dans sa clairvoyance attristée, les énormes bévues de l’humanité. Aujourd’hui, comme au temps de Néron, la sentence a conservé sa dure exactitude.

Ah certes ! nous ne l’ignorons pas, ce n’est pas sans efforts, sans lutter contre soi-même, contre les mille tentations quotidiennes que l’homme parvient à triompher de l’atavisme, de l’éducation, des habitudes tenaces. Mais la volonté s’acquiert, se développe au cours de ces multiples combats et permet bien d’orgueilleux retours sur soi-même. A son aide viendra aussi l’autosuggestion, si secourable lorsqu’elle est invoquée opportunément. Il faut bien se pénétrer qu’à la base de toute réalisation individuelle, qu’elle soit d’ordre physiologique ou social, le principe du refoulement est acquis. L’individu ne peut espérer instaurer des harmonies sans réagir contre l’ancestrale bestialité qui somnole

en chacun de nous. Il n’est pas d’autonomie personnelle qui se conçoive sans que la poigne souveraine de la volonté ne maîtrise les sourds élans de l’instinct, les soubresauts du subconscient. Il importe par dessus tout que chacun soit son propre législateur, l’ordonnateur de sa loi. Mais si l’être humain, véritable cellule sociale, est impuissant à commander à ses comportements passionnels, si ses instincts étroits — individuels ou sociaux — dominent ses décisions, c’en est fait du doux rêve poétique du bonheur par l’entr’aide, d’une existence sérieuse faite du respect mutuel des droits de chacun.

Celui qui a conscience de ces conditions, qui est pénétré de la nécessité d’une forte personnalité sociale ne peut donc — dans le domaine de la santé comme ailleurs — délibérément récuser la valeur de cette méthode de contrôle averti et volontaire sans laquelle rien ne peut subsister d’objectif et de durable. Et, à l’introduire dans son existence, il goûtera cette satisfaction délicieuse de jouir de la plénitude de ses moyens physiques et intellectuels ; et il s’assurera à la fois l’équilibre qui garantit la durée du bonheur et la longévité qui le couronne. — J. Méline.

Bibliographie. — La Cure naturiste (Dr Durville) ; Rajeunir (Phusis) ; Le Naturisme intégral (J. Demarquette) ; Le Décalogue de la Santé (Dr Carton) ; Enseignement et traitement naturiste pratique : 1re, 2e et 3e séries (Dr Carton) ; L’éducation physique ou l’entraînement complet par la méthode naturelle (G. Hébert), ainsi que les ouvrages mentionnés aux bibliographies de « nourriture, culture physique, végétarisme, végétalisme, etc… ». Revues à consulter : Naturisme, Régénération, Vivre, Rajeunir, etc…


SATIRE Le mot satire (substantif féminin) ne doit pas être confondu avec satyre (substantif des deux genres). Ils sont d’origine et de sens différents.

Les Grecs, puis les Romains, appelèrent Satyre — Satyrus, en latin — un demi-dieu, homme de la nature, habitant des bois, dont les jambes et les pieds étaient ceux d’un bouc. Un sens malveillant ayant été attaché à ce nom, on l’emploie aujourd’hui pour qualifier un homme débauché, brutal, cyniquement entreprenant auprès des femmes. On l’a donné aussi à certains singes, à des insectes et au champignon appelé « phallus ». En Grèce, puis à Rome, on appela satyre, au féminin, une pièce de théâtre dont les personnages étaient des satyres et dont le caractère était simplement amusant, contrastant avec celui de la tragédie et différent de celui de la comédie. (Voir Théâtre.)

Le mot satire, dont nous nous occuperons particulièrement ici, vient du latin satira, ou satura, qui désignait un mélange bariolé, un plat composé de différents mets, la réunion des fruits variés de l’offrande à Cérès. Ce sens primitif se retrouve dans laux satura, nom donné à un compotier de fruits divers. Par extension, on appela, à Rome, satira, des farces imitées des satyres grecques, de plus en plus mêlées de fantaisie et de raillerie, qui firent de véritables pots pourris scéniques et poétiques. Ainsi fut formé le genre littéraire de la satire, le seul qui soit originalement latin. Quintilien disait : Satira tota nostra est. ( « La satire nous appartient toute. » )

Lucilius l’inaugura au IIe siècle avant J.-C. ; elle s’est continuée depuis, soit entièrement en vers, soit mêlée de vers et de prose, soit encore entièrement en prose. Ce fut la satire classique de Terrentius Varron, auteur des célèbres satires ménippées, en souvenir du philosophe Ménippe, celle d’Horace, de Sénèque, de Perse, de Lucain, de Martial (inventeur, dit-on, de l’épigramme), de Juvénal, de Pétrone, de Suétone dont la Vie des douze Césars constitue l’envers du plutarquisme dévoué à ces personnages, de Lucien, le seul grec