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SOL
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le produit intégral de leur travail, mais simplement ce que les détenteurs des moyens de production consentent à leur donner. Ajoutons aux droits des propriétaires, imposés aux travailleurs déshérités, la perception de l’impôt ou revenu social retombant exclusivement sur le travail et nous comprendrons pourquoi en époque d’aliénation du sol aux individus, la plupart des travailleurs ne consomment pas selon leurs besoins, alors que les produits agricoles et manufacturés restent inutilisés et se détériorent. Dans le régime bourgeois, l’abondance des biens nuit quelquefois et même bien souvent. Ainsi l’aliénation du sol, et par suite la monopolisation de cette richesse indispensable, canalisée chez quelques individus, créa les castes et les classes, les maîtres et les esclaves, la richesse pour quelques-uns, la misère pour le plus grand nombre.

Si nous passons à l’époque où le sol appartiendra à tous et qui sera l’époque de connaissance sociale, nous verrons que, par l’entrée du sol au domaine commun, le paupérisme se trouve anéanti, du fait que les travailleurs, c’est-à-dire tous et chacun, seront, au même titre, des propriétaires indépendants plus ou moins capitalistes.

À ce moment, contrairement à ce qui se passe en période d’aliénation du sol, les capitaux abonderont, offerts par la Société et les individus qui ne consommeront qu’une partie de leurs productions. Bien plus, les capitaux des particuliers devront concurrencer ceux de la société.

De ce fait, les capitaux animeront toujours la demande du travail et leur utilisation contribuera à l’augmentation du bien-être général. En résumé, le salaire, compris comme rémunération du travail, qui est éternel, par rapport à l’homme, sera constamment au maximum des circonstances, du minimum où il se trouve en époque d’aliénation du sol aux individus. Il n’est pas téméraire d’affirmer que l’entrée du sol au domaine social a pour but et résultat inévitable la disparition du paupérisme matériel dans une atmosphère de justice et de moralité générale.

À ce moment, mais pas avant, l’homme naît sous un régime d’égalité sociale relative et peut, en toute liberté, exercer ses facultés pour obtenir par son travail — et sans nuire à son prochain qui jouira des mêmes droits — la satisfaction des besoins ressentis.

Contrairement à ce qui se passe à notre époque, et toujours du fait de l’entrée du sol à la propriété collective inaliénable, chaque membre aura à sa disposition, selon ses goûts et son tempérament, pour exercer son activité dans le domaine qui lui plaira, d’incontestables garanties de sécurité, d’indépendance réelle et de bien-être permanent. Relativement au passé, au présent et à l’avenir, l’organisation de la propriété du sol représente une clé merveilleuse qui, dans le passé, a ouvert la serrure sociale à l’avantage des nobles, comme, actuellement, elle l’ouvre à la bourgeoisie et comme elle l’ouvrira à l’avantage de tous quand le sol fera partie du domaine commun.

C’est de sa possession individuelle ou de sa possession commune que dépend la liberté ou l’esclavage du travail. Pour notre époque, la possession commune de la richesse foncière-immobilière est de nécessité sociale, mais, en France, tous les partis font la conspiration du silence sur cette importante question qui est, sous divers aspects et dans différentes nations, dans l’ordre de mise en pratique. Un avenir relativement prochain démontrera, expérimentalement, les avantages généraux de l’entrée du sol au domaine social par rapport à l’entreprise de certaines mobilisations anti-scientifiques du sol. Nos parlementaires socialistes s’apercevront alors que le socialisme ne signifie pas, le moins du monde, que la terre agricole,

qui est une partie du sol à socialiser doit appartenir à celui qui la cultive, mais à tous.

De l’exposition de la question du sol ou foncière que nous venons de faire il résulte : 1° que le socialisme ne peut se réaliser que par l’entrée intégrale du sol au domaine social aussi bien que de la richesse mobilière ou capitaux provenant de générations passées ; 2° que, de ce fait, le travail sera libre au lieu d’être esclave comme de nos jours, ou forcé comme l’enseigne et le veut le marxisme ; 3° que l’appropriation sociale des richesses indiquées n’implique pas forcément l’exploitation du domaine commun par l’État ; 4° que cette exploitation peut et doit être faite, généralement, par des associations de travailleurs libres ou par des travailleurs isolés et indépendants afin que, sous ses divers aspects, la liberté individuelle soit sauvegardée ; 5° que le produit du Travail sera, alors seulement la propriété de celui qui l’aura créé ; 6° que tous et chacun jouiront, au même titre, des avantages qui précèdent, dans une atmosphère sociale et morale d’égalité relative suffisante pour la satisfaction des besoins ressentis ; 7° que le travail sera souverain et la domination du capital anéantie.

Ces conditions de vie générale prendraient rationnellement corps, pour ainsi dire automatiquement, sous l’impulsion du principe rationnel de l’intérêt qui guide l’Humanité. L’homme libre sur la Terre libre sera l’œuvre du socialisme rationnel qui ne saurait équitablement admettre avec Engels et les marxistes, le travail obligatoire et égal d’une administration à étiquette socialiste qui paraît oublier que la liberté est le plus grand de tous les biens. Le rythme du travail et de la production sera déterminée par les besoins ressentis équitablement par tous et par chacun. — Élie Soubeyran.


SOLDAT n. m. (de l’italien soldato). Milit. Militaire qui touche une solde payée régulièrement par le prince ou par le pays qu’il sert.

Simple soldat. Militaire non gradé : c’est un militaire de 3° catégorie, puisqu’il y a : officiers, sous-officiers et soldats pour composer une armée.

Plus un officier a de galons, plus il s’éloigne du soldat, ayant sur lui d’autant plus d’autorité et de solde importante avec plus d’honneur et moins de risques. Le soldat touche une solde ridicule, mais il est abrité, vêtu, nourri et couché. Tout cela pour une besogne stupide dans son exercice, criminelle dans ses intentions, infâme par son accomplissement et son but.

N’est pas soldat qui veut : un infirme, un idiot, un malingre, un trop faible d’esprit ou de corps est exempté définitivement. Il faut convenir que les majors peu scrupuleux examinent, auscultent, palpent la chair des hommes de vingt ans, obligatoirement tenus de se présenter à jour et à heure fixes, pour ce qu’on appelle le conseil de révision. Tous les conscrits ont de fortes chances d’être reconnus bons pour le service, surtout s’il y a nécessité de chair à canon pour défendre des intérêts qui ne les touchent aucunement s’ils ne sont capitalistes ou fils de capitalistes. S’il a la naïveté, le pauvre soldat, de croire qu’il est appelé à se battre pour un idéal ou pour une raison plus ou moins admissible, à moins d’être un crétin, il verra vite qu’il n’en est rien et qu’il est tragiquement dupe. Mais s’il est soldat, il n’est plus un homme ; il est un numéro matricule, une machine à obéir, une machine à tuer son semblable. Un moment, il voit, en face de lui, ayant subi le même ignoble dressage que lui, un autre homme ; cet homme qu’il ne connaît pas, qu’il n’a jamais vu ni connu, c’est l’ennemi. Il lui ressemble, pourtant, comme un frère, c’est un homme comme lui ; non, c’est un soldat comme lui. Et c’est à qui, dans ce face à face des deux soldats, tuera l’autre ! C’est pour cela que l’un et l’au-